[TRAINING] - DJIRUNYAZA

[Astro Buck]

Quand la jeune clerc demande si Djirunyaza doit être délesté de son bâton, au titre d’arme potentielle, avant de passer le porche, l’un des deux gardes laisse rouler un ricanement sonore dans son gorgerin.

[GARDE] – Ça, une arme ? Ha ! Ha ! Laissez-moi rire.

Dans un raclement de fourreau amplifié par l’écho du grand hall, il sort son épée et l’exhibe fièrement.

[GARDE] – Voilà ce que j’appelle une arme, moi ! Regardez-moi ce tranchant effilé, cette ligne équilibrée, cette brillance due à un lustrage fréquent.

[CLAIRE] – En effet, cette épée n’est pas laide, justice vous soit rendue pour les bons soins dont vous l’entretenez. Des lames rouillées ne seraient pas dignes de protéger Libra.

Claire s’avance en écartant les bras, comme pour ouvrir des rideaux. Les gardes s’effacent sur son passage. Ils laissent passer également Djirunyaza.

Quand ce dernier, un instant après, prononce son discours au dessus de la claire fontaine, ses eaux ne se troublent pas, preuve que nul mensonge n’a été proféré.

La jeune clerc invite alors Djirunyaza à la suivre. Ils empruntent un long couloir flanqué à droite et à gauche de plusieurs portes. Claire ouvre l’une d’elle, qui donne sur une petite pièce. Le mobilier se réduit à une table et trois chaises. Un pot à eau est disposé au centre de la table ainsi que plusieurs gobelets en terre cuite. Claire invite Djirunyaza à s’assoir, remplit un gobelet qu’elle pousse dans sa direction, avant de s’asseoir à son tour en face du nomade.

[CLAIRE] – Je comprends votre émotion en voyant le Temple de votre déesse dans l’état de désaffectation où vous l’avez trouvé. Pardonnez mon indélicatesse, mais je vous dois la vérité, or la vérité n’est pas toujours douce à entendre : le culte de Courga a toujours été un culte mineur à Fang, il faut bien le reconnaître. Il comptait donc relativement peu de fidèles.

La jeune clerc se sert à son tour un gobelet, qu’elle vide d’un trait avant de reprendre :

[CLAIRE] – Cela fait plusieurs années que la communauté de vos coreligionnaires s’est éteinte. Pas d’un seul coup, non. Cela a commencé par… il faut bien le dire : par une malédiction. A l’occasion d’une de vos fêtes liturgiques, le grand prêtre d’alors devait accomplir un rituel permettant de recueillir directement la parole de la déesse. Or ce ne sont pas les paroles, que le prêtre à reçues de la déesse, mais la mort.

L’évocation de ces sombres événements mettant sans doute la jeune femme mal à l’aise, elle se ressert un autre gobelet, qu’elle vide comme le précédent.

[CLAIRE] – L’acolyte du plus haut degré a succédé au prêtre. Mais quand est revenu le jour de la fête rituelle… il a subi exactement le même sort. Et ainsi de suite jusqu’à extinction de la communauté.

La jeune femme se saisit une nouvelle fois du pot à eau, mais, quand elle le penche au-dessus de son gobelet, constate avec désappointement qu’il n’en tombe plus une seule goutte.

[CLAIRE] - Oh mais que j’ai soif… Je crois que le cuisinier a eu la main un peu lourde sur les épices. Mais je ne lui en veux pas : manger épicé fait du bien. Pourtant je persiste à croire qu’une vie qui se résumerait à cela serait un peu triste, non ?

[Djirunyaza]

Le regard du prêtre semble contempler le gobelet plein qui avait cessé son trajet jusqu’à ses lèvres au mot “mineur” du discours de la jeune clerc. Le visage radieux s’est mué en un masque figé souriant juste encore par habitude.

[DJIRUNYAZA] - Faire les deux manque certainement cruellement d’élégance, mais oui, une vie sans but doit être triste…

Toujours abasourdi par le discours achevé, et plus par habitude de charité que par volonté réelle, il tend son verre à la jeune femme épicée à qui il aurait voulu bien plus tôt crier un “stop” cinglant, mais qui ne faisait finalement que répondre à sa demande de vérité.

[DJIRUNYAZA] - Courga ôtant la vie à l’un de ses serviteurs est déjà en soi tellement improbable, mais maudire toute sa communauté? Cela n’a aucun sens… Je suis vraiment marri Claire, mais pouvez-vous me faire l’article sur la nature de ces morts? Si elles ont eu lieu pendant un rituel, des récits sont peut-être parvenus jusqu’à vous?

Après une courte pause, désormais conscient d’être le dernier des serviteurs de Courga à Fang, il tourne son attention vers les traits de la clerc à la balance.

[DJIRUNYAZA] - J’imagine que les remparts de fortunes montés pour occulter la pyramide de ma Déesse l’ont été par quelques superstitieux… me confirmez vous que rien n’interdit la réouverture du temple? Abattre le mur à l’entrée ne contreviendra-t-il pas aux lois de la cité-état?

Il se redresse de toute sa hauteur, à nouveau radieux, mais tout de même bien fatigué.

[DJIRUNYAZA] - Bien sûr, si vous n’avez plus d’élément sur cette terrible affaire qui sera désormais ma charge, mon but, je crois qu’il me faut maintenant reprendre des forces, ce dont je serai votre débiteur. D'ailleurs, comment pourrais-je aider en retour votre communauté?

[Astro Buck]

La jeune clerc secoue la tête négativement avec une moue désolée.

[CLAIRE] – Je comprends vos doutes, vos interrogations… Mais je n’ai malheureusement pas d’autre information à vous donner sur ces tristes événements. Je vous ai dit tout ce que je savais.

Elle prend son menton dans sa main et lève les yeux au plafond en réfléchissant.

[CLAIRE] – Pour ce qui concerne la réouverture du temple… Cela relève de l’administration du Pontifex Titanicus, le scrupuleux Ashphregola IV. Ses services sont d’une désespérante lenteur si on n’en connaît pas les rouages. Mais, il est en mon pouvoir d’accélérer la procédure, le culte de Libra a très bonne presse auprès du Pontifex. Je peux intercéder en votre faveur et même mander un acolyte de Libra pour faire les démarches nécessaires en votre nom.

Claire approche sa main du pot à eau mais avant d’avoir atteint l'anse en verre, corrige son geste et attrape sa main de son autre main comme un animal qui se serait échappé, en laissant fuser un petit rire.

[CLAIRE] – J’avais oublié qu’il était vide ! Bon, ce que vous dites change la donne. Si le Pontifex Ashphregola donnait son accord et que vous rouvriez le temple, cela ferait de vous un membre à part entière du Collège Pontifical où siègent tous les Grands Prêtres de Fang.

Ses joues s’empourprent tandis qu’un fol enthousiasme monte en elle :

[CLAIRE] – Non mais vous vous rendez compte ? A la table du Collège Pontifical, vous auirez un rang égal à celui de Mea’lissia la Juste !

Elle rajoute en regardant ses ongles :

[CLAIRE] – Enfin, le poids de votre voix vos dans les décisions collectives serait proportionnel au nombre de vos fidèles, ce qui ne pèserait pas trop lourd dans la balance.

Claire se lève brusquement.

[CLAIRE] – Bref ! Pour ce qui est d’aider notre communauté, nous en reparlerons quand vous accéderez à cette charge ecclésiastique. En attendant, je vais vous accompagner au réfectoire, afin que vous puissiez enfin vous restaurer. Et puis je laisserai entre les mains d'un jeune novice qui sera ravi de vous indiquer vos quartiers pour la nuit.

[Djirunyaza]

Devant l’enthousiasme touchant de la jeune Claire, l’homme de foi fait fuser son rire bienveillant, chaleureux et cristallin. Puis devant la soif incontrôlée de son interlocutrice, il lui tend une nouvelle fois, mais d’une manière plus visible, son verre encore plein.

[DJIRUNYAZA] - fufufu… la soif prend des formes multiples, mais celle du pouvoir ne me touche pas encore! Mes ronds de jambes servent à émerveiller le monde et non à amadouer ceux qui le dirigent… tenez chère enfant, assouvissez votre soif qui elle, est saine et naturelle.

Que la clerc prenne ou non son verre, il continue:

[DJIRUNYAZA] - Je vous remercie pour votre aide déjà immense et pour toutes les démarches que vous pourrez mettre en place pour m’aider à restaurer le temple de ma Déesse. Demain matin, une fois reposé, j’irai chercher d’autres informations autour du temple pour comprendre peut-être un peu mieux le mal qui a anéanti les serviteurs de Courga… peut-être qu’un temple attenant ou un mendiant aura une quelconque anecdote utile? Quel était le jour du rituel peut-être? Quelqu’un saura peut-être pourquoi et quand un trou à été pratiqué dans le mur bloquant l’entrée principale? Tout d’abord, j’y ai vu l'œuvre d’un pillard, mais peut-être que la vérité est ailleurs… Peut-être me faudra-t-il recruter quelques gros bras pour explorer le temple abandonné? J’y ai glissé une oreille et quelques grattements sinistres semblent aujourd’hui avoir remplacer les chants, les musiques et les bruits de pas de danse qui,humblement, devaient autrefois glorifier Courga l’Harmonieuse.

Il étouffe alors un léger bâillement. Djirunyaza offre son bras à l’adoratrice de Libra afin que celle-ci le mène jusqu’au réfectoire.

[DJIRUNYAZA] - Mais parlez-moi un peu plus du Pontifex Ashphregola, même si je suis certain de ne pas le connaître, j’ai l’impression que nos noms ont la même origine… c’est peut-être un hasard … et le rituel de la serviette n'est pas de mise dans les contrées du nord de l'Allansia...

Jusqu'à son coucher, Djirunyaza va accueillir avec moult remerciements la charité que les adorateurs de Libra voudront bien lui offrir. Un repas, même trop épicé, et une paillasse, si sèche qu’elle en faisait fla-fla, suffisent à combler l’homme dans le besoin, et son vœu de pauvreté lui avait à plusieurs reprises montré qu’un besoin simple n’est pas si facilement obtenu.

Se levant avec Glantanka, le prêtre de Courga saluera ses hôtes et mettra en acte les recherches d’aide ou de renseignement qu’il avait en tête la veille. Et si rien ne vient, alors il se rendra au temple de Courga, il nettoiera sa lanterne et après une courte prière à sa Gracieuse Déesse, il se faufilera par l’étroit orifice du mur percé, se félicitant inconsciemment que la forme d’une pyramide eut été choisie plutôt que celle d’un chat.

[Astro Buck]

Plusieurs temples cohabitent dans la même rue que la pyramide de Courga. Certains, consacrés à de petits dieux dont les noms ne sont pas tous connus du nomade (sans compter que les noms des dieux sont variables d’une région à l’autre), méritent proprement l’épithète de « mineurs » employé abusivement par Claire à propos du culte de Courga. Djirunyaza les trouve tous fermés. Non qu’ils soient à l’abandon, comme celui de Courga, mais parce qu’ils n’ouvrent que très ponctuellement, deux à trois fois par an, à l’occasion de fêtes liturgiques. Les temples les plus notoires et les plus actifs, dans cette rue, sont ceux de Fourga, d’Usrel et de Pangara.

Tous réservent un accueil poli et affable à Djirunyaza, mais, loin d’être aussi loquaces que la clerc de Libra, les uns comme les autres demeurent évasifs au sujet des événements survenus dans le temple de Courga. Leur retenue semble motivée par la crainte religieuse – ou plutôt superstitieuse – d’attirer sur soi le même sort en s’intéressant de trop près à ce qui s’est passé.

Tout ce qu’apprend le nomade – si l’on peut appeler ça « apprendre quelque chose » – c’est que l’ordre de murer les ouvertures du temple a été donné par le Pontifex Ashphregola. Le but officiel de l’opération était de protéger le temple contre les pillards, condamner les ouvertures étant moins dispendieux que disposer des miliciens devant les portes. Cependant c’était aussi moins efficace puisqu’un trou a été ménagé dans le mur de briques. Nul ne sait qui l’a pratiqué ni pourquoi, mais l’hypothèse la plus communément partagée est qu’il s’agirait de squatteurs. Il paraît peu probable qu’il s’agisse de pillards, car le temple de Courga n'avait pas la réputation d’abriter des objets particulièrement précieux. Cependant, même des colifichets sacrés qui n’auraient aucune valeur sur le marché des receleurs peuvent être protégés par des pièges mortels : les voleurs ne seraient pas assez fous pour prendre un risque qui n’en vaut certainement pas la chandelle.

Riche de ces pauvres informations, il ne reste plus à Djirunyaza qu’à s’introduire par la brèche. Il commence par y pousser sa lanterne du bout de son bâton, puis il entre à son tour en rampant. La seule aération des lieux étant l’orifice par lequel Djirunyaza vient de se glisser, à l’intérieur cela sent le renfermé et la vieille cave humide. Tout est recouvert d’un épais duvet de poussière : même les nombreuses toiles d’araignée qui pendouillent lourdement n’ont depuis longtemps capturé rien d’autre que des amas de particules grisâtres. Les murs aux enduits craquelés laissent deviner les couleurs délavées de fresques défraîchies. Quelques prie-Dieu dont certains sont renversés et d’autres brisés, sont disposés aux abords d’alcôves dans lesquelles sont logées de petites statues. Des tapisseries miteuses, dont de larges pans ont été déchirés, pendent lamentablement comme du vieux linge. Du haut de sa corniche, une gargouille de pierre représentant un démon ailé veille sur le sanctuaire.

Au bout de la salle se dresse le centre vital du temple : l’autel. Les trois marches conduisant à cet autel semblent manifestement destinées à mettre en valeur l’élément essentiel du sanctuaire : une grande idole représentant Courga. Il est difficile, sous cet amas de poussières, drapée de toiles d’araignée, d’identifier en quelle matière elle a été conçue.
Il ne règne pas en ces lieux un silence absolu. Djirunyaza entend le même bruit de raclement que la dernière fois. Cela semble provenir de l’autre côté de l’autel, derrière l’idole.

[Djirunyaza]

Le fidèle de Courga n’est assurément pas un combattant. Non qu’il refuse par couardise de faire face à une confrontation, ses très jeunes années passées dans les caravanes du Désert des Crânes lui ont appris qu’une peur dominante transforme rapidement tout homme en une proie facile et que savoir se défendre passe d’abord par faire comprendre au prédateur, si c’est possible, qu’il se pourrait qu’une attaque soit une mauvaise idée. Non, quelque soit l’origine du grattement, combattre n’est pas une approche à privilégier surtout sous le regard béni de la statue de sa déesse. et au cœur de son temple.
Djirunyaza opte pour une approche plus adaptée à ce qu’il est. Tout d’abord, il va regarder s’il voit la masse ayant servi à percer le mur. Puis, il va chercher depuis l’entrée à repérer les différentes sources de lumière possibles: fenêtres barrées, torchères, bougies. Puis, il essaiera d’agir (avec la masse s’il la trouve pour libérer les fenêtres, avec sa lanterne sur les torchères et bougies) sur ces différentes sources afin d’avoir le maximum de lumière le plus rapidement possible en attendant que l’éventuel être tapie derrière l’autel ne se manifeste… s’il se manifeste.

*Si le Pontifex Ashphregola a ordonné de murer le bâtiment et qu’il n’a pas réagi face à l’ouverture pratiquée, il ne m’en voudra pas si je révèle quelques fenêtres…fufufu…alors je pourrais rendre grâce comme il se doit à ma Déesse.*

Dès que Djirunyaza jugera que suffisamment de lumière lui permettra d’agir en ce lieu sans risque d’être plongé dans le noir si sa lanterne venait à s’éteindre, ou dés que l’origine du grattement sortira de l’ombre de sa Déesse, le prêtre de la Grâce commencera à chanter et à danser à la gloire de l’Harmonie, multipliant par sa voix les louanges du bien et par sa danse, faite de pas légers de gestes ronds et élégants agrémentés du mouvements forts et souples de son bâton de bois, d'évoquer la victoire du bien sur le mal en une symbolique rappelant La Première Bataille des Dieux.

[DJIRUNYAZA] - Ô Courga, Déesse qui porte la grâce au cœur du Jardin Céleste, ce lieu doit à nouveau recevoir la force de ton Harmonie… Accorde-moi la charge d’apporter à cette ville le témoignage de l’espoir que ton Nom fait naître à ce qui le prononce.

La danse légère mais puissante du Prêtre le conduira au pied de la statue de sa Déesse près de laquelle il allumera les braseros qui y sont peut-être…

[DJIRUNYAZA] - Ô Courga, l’obscurité et le silence doivent s’effacer devant la finesse de ton don!

Le prêtre cessera alors son éloge, et si l’origine du grattement ne s’est pas manifestée alors peut-être qu’il ne s’agit pas d’un être? Alors après un profond salut à sa Déesse, il contournera prudemment la statue et ira voir ce qu’il y a derrière l’autel, non sans prendre le temps de continuer à augmenter les sources de lumière.

[Astro Buck]

En poursuivant ses investigations, Djirunyaza découvre dans un angle du temple une paillasse, les cendres froides d’un foyer mêlées à de petits os et à des tessons de poterie, des morceaux de tenture grossièrement taillés au couteau, un tas de petit bois et des morceaux de mobilier rompu, ainsi que l’objet qu’il cherchait : une massette constituée d’un manche de bois grossièrement taillé, au bout duquel une sorte de sphère métallique a été ficelée avec des lanières de cuir. En y regardant de plus près, cette sphère s'avère être la tête d’une statuette dont les traits sont difficilement reconnaissables car considérablement déformés par l’usage qui en a été fait en raison de sa reconversion en outil.

Cet outil de fortune se révèle efficace. Djirunyaza abat aisément la cloison de briquettes. La lumière du jour change l’obscurité en pénombre. Axu abords de l’idole, Djirunyaza trouve deux braseros renversés, mais vides de tout combustible. Tout ce qui, dans ces lieux, pourrait tenir lieu de combustible, d'ailleurs, est trop humide pour être enflammé avec des moyens ordinaires. Plusieurs fenêtres sont inaccessibles, étant située en hauteur et nécessitant une échelle pour les atteindre. Cependant, le nomade parvient à en dégager deux, à hauteur d'homme, situées au fond d’alcôves. Ainsi, il rentre suffisamment de lumière pour que Djirunyaza puisse se déplacer dans le temple sans se cogner. Cependant l’éclairage de la lanterne reste indispensable, surtout vers le fond du temple, pour discerner les détails.

Le prêtre de Courga exécute sa Danse de l’Harmonie devant deux spectateurs immobiles : l’idole sacrée et la gargouille qui semble veiller sur elle. A présent qu’elle est mieux éclairée, Djirunyaza identifie la matière dont l'idole est faite – au moins en surface : elle est recouverte de vert-de-gris, ce qui est caractéristique du cuivre ayant subi la corrosion. Etant donné l’humidité ambiante et le manque d’entretien, cela n’a rien d’étonnant. Avec cette couleur glauque, son manteau de poussière et de toiles d’arraignées, l’idole de Courga ressemble à un crapaud ventru et grotesque : il faut être capable de beaucoup d’abstraction pour y voir un symbole de la grâce.

Le nomade prend son courage à deux mains et avec une démarche précautionneuse, contourne l’effigie de sa déesse pour aller lorgner derrière son fondement. Il constate alors que celle-ci est adossée à un tombeau de pierre. Sur son couvercle est sculpté un gisant en tenue cléricale. Il tient entre ses bras un coffre en bois clouté, articulé des ferrures.

Le nom du prêtre et ses dates de naissance et de mort sont gravés sur une plaque de marbre. L’éclairage de la lanterne révèle qu’il se nomme SALXI LE SOUPLE et il est mort il y a de cela 6 ans à l’âge de 47 ans. Aucun mouvement n'est visible dans cette zone. Cependant le bruit de grattement et de raclement s’amplifie. A n’en pas douter, l’origine de ce bruit se situe au niveau du coffre.

[Djirunyaza]

En arrivant devant le gisant Djirunyaza reste un temps bloqué, comme envahit par une multitudes d’images et d’idées qui s’imposent à son esprit en un flot de plus en plus chaotique:

“Protégé par sa Déesse, SALXI LE SOUPLE a trouvé la paix sous elle, pile sous l’axe de la gargouille, ses ailes au plexus poli par les eaux, les poils, poulies, six poules, le soleil aux, la loi peux, l’époux salie… “

Le dévot semble devenir fou, son front se couvre de sueur et ses tempes martèlent, comme si le nom gravé dans la pierre froide hurlait un avertissement dont il ne comprenait pas le sens…


“Et quand le sens cri, tâche de ne pas être dinde... comme le disait mon ami Hamid”

Le cœur de l’homme se réchauffe à la pensée du vieille homme de sa tribu qui accompagnait la voix de sa mère au tambour du désert, tendu avec la peau d’une pieuvre des sables. Quant il ne martelait pas son instrument de ses mains brunes et caleuses, il ne parlait que par phrases obscures. Mais plus elles étaient incompréhensibles, plus elles paraissaient sages.

Avec une grande inspiration, Djirunyaza freine puis refoule le bouillonnement des lettres qui semblaient vouloir l’assommer. Il lève les yeux vers la Gargouille, gardien menaçant si visible qu’il faut avoir la foi pour le quitter des yeux, puis regarde la massette…

“ Rudimentaire mais efficace, tu as voulu te chercher un abri et te restaurer chichement, pourquoi aurais-tu laissé ainsi un objet d’effraction aussi efficace? "

Il se fige alors et trois mots se forment dans sa bouche:

[DJIRUNYAZA] - SALLE, SOL, PIEUX!

Usant du faisceau de sa lanterne, le prêtre se concentre sur le sol aux alentours du gisant. Il cherche les traces du passage de l’hôte aspirant ayant construit la massette, il cherche également les traces au sol d’un piège à trappe en périphérie du sarcophage.

"le Baron aurait-il fait de sa ville un lieu d’expérimentation pour ses pièges? Fang, la Cité des pièges, voilà un nom qui fait froid dans le dos…”"

[Astro Buck]

Les anagrammes alambiqués prononcés par Djirunyaza démontrent son aptitudes pour les jeux d'esprit mais rien ne se produit, ses formules n'ont pas l'effet d'un sésame, c'est à en rester baba.

L'homme du désert reporte son attention sur le sol aux alentours du tombeau. C'est un dallage en pierres plates. Le sol a dû travailler au fil des années car des fissures apparaissent çà et là, et quelques dalles sont disjointes, comme sous l'effet d'une poussée ascendante. Cependant l'examen minutieux de Djirunyaza ne révèle aucun piège.

Par contre les recherches sont plus fructueuses en ce qui concerne le propriétaire de la massette. Du moins à supposer qu'il s'agisse bien de lui. En effet, Djirunyaza trouve des ossements humains éparpillés sur le sol. Ils semblent correspondre au squelette d'un seul individu.

[Djirunyaza]

Plus rassuré que déçu de l’absence d’un piège au sol qu’il avait déduit d’un potentiel avertissement lié au nom du prêtre, Djirunyaza se concentre tout d’abord sur les ossements entourant le sarcophage.

“Est-ce que sa tenue va m’apprendre quelque chose sur sa personne? Est-ce que l’état de ses os vont me donner une indication sur les circonstances de sa mort? Qui les a éparpillés ainsi façon puzzle? C’est déjà un squelette, sa chair a été dévorée ou le temps a-t-il simplement fait son œuvre purificatrice? Est-ce que j’ai bien rempli ma gourde ce matin? Est-ce déjà mon ventre qui gargouille?”

A ce dernier mot, le prêtre jette un nouveau coup d'œil à la sentinelle perchée et sans doute toujours immobile.

“Une gargouille dans un temple de ma Déesse est vraiment une drôle d’idée… ces traits difformes ont-ils une place dans un lieu dédié à la Grâce? Il y a tellement d’horreurs à l’extérieur de ces murs qu’il n’était pas besoin d’en faire un rappel à la face de l’Harmonieuse Courga… fufufu…”

Le fil de ses pensées l’amène céans à tourner les yeux vers la statue de Courga et tombe directement son séant! Les yeux de l’homme s’illuminent d’un désir doux plus proche de la vénération que d’un fantasme charnel… Assurément les fondements de son culte sont les plus agréables et les plus satisfaisants de tout le Jardin Céleste! Une nouvelle fois, sa pensée s’égare vers son passé et son ancien maitre, prêtre de Filash, aussi chaleureux que colérique qui avait été le premier à comprendre sa véritable nature douce et pourtant déterminée…

Revenant à la réalité, il fait une moue désapprobatrice.

"Il faudra du temps, un échafaudage et des bras motivés pour faire retrouver à l'élégante sa vénusté et son lustre d’antan."

Puis le grattement venant du coffre attire à nouveau son attention et le prêtre s'en rapproche et se penche prudemment pour regarder le contenant sous toutes les coutures.

[Astro Buck]

Djirunyaza inspecte les restes humains plus attentivement. A première vue, il apparaît que l'individu a perdu les os et a couché à même le sol.

Un examen plus poussé révèle que plusieurs os ont été brisés. Il n'est pas nécessaire d'être expert en anatomie humaine pour s'en rendre compte. En revanche, il est impossible de déterminer si ces cassures ont été opérées post mortem ou inversement.

Par ailleurs, un tibia a été manifestement rongé, comme auraient pu le faire un chien ou un rat. A en juger d'après les nombreuses déjections en forme de petites bûchettes qui sont parsemées partout sur le dallage, les probabilités penchent plus en faveur du rat.

En tout cas, quelle que soit la manière dont elle est morte, on pourra dire que, dans la vie de cette personne, il y aura eu des os et des bas.

Un détail singulier attire plus particulièrement l'attention du prêtre de Courga : quelque chose est planté dans le crâne du squelette au niveau de la tempe. À y regarder de plus près, il s'agit d'un morceau de pierre taillée et polie, pointue et de forme incurvée.

Quand, ensuite, il lève les yeux vers la gargouille, il constate qu'une griffe du démon de pierre a été cassée. Bien malin celui qui saura tirer d'habiles déductions à partir de ces indices sans liens apparents. Par ailleurs ce n'était pas de chères loques qu'était vêtu le défunt : les morceaux de tissu qui se mêlent aux restes ont été taillés dans une étoffe grossière, trahissant une humble origine. Les vices n'épargnent cependant aucune classe sociale.

Reportant son attention sur le coffre, Djirunyaza a beau le regarder sous tous les angles, il ne découvre rien de nouveau : c'est un coffre en bois clouté, renforcé par des ferronneries et muni d'une serrure. Si le doute était permis quant à l'origine des grattements et raclements, il se dissipe tout à fait en s'en rapprochant : ces bruits proviennent assurément de l'intérieur du coffre.

[Djirunyaza]

Djirunyaza est perplexe.

“En quoi ce coffre, qui normalement ne devrait contenir qu’une sainte relique (ce qui n’est manifestement plus le cas!) pourrait m’apporter des informations sur ce qui est arrivé années après années aux fidèles de Courga jusqu’à l’extinction de la communauté? Si le rituel consistait en l’ouverture du coffre et que cela entraînait l’attaque systématique du gardien de la relique, qu’il soit en dedans ou en dehors du coffre, pourquoi ont-ils continué les uns après les autres? ”

Pris d’un vertige en imaginant ce qui aurait pu pousser tant des siens à ouvrir malgré le danger prévisible le coffre, le prêtre pose sa lanterne sur le sarcophage afin de pouvoir appuyer sa main sur la pierre froide et s’appuie de l’autre sur son bâton.

“Mais peut-être que cela n’a rien à voir…Je me demande vraiment ce qu’il faut comprendre par “recueillir directement la parole de la Déesse”? Cela dit, faire le rituel dans son dos manque cruellement d’élégance! Fufufu… Avant d’aller plus loin avec ce coffre, j’ai besoin de plus d’informations! Et puis cette serrure doit bien avoir une clé! Je vais finir de visiter les lieux en faisant attention à ne pas me prendre une pierre sur la tête… pauvre homme quand même, mourir ainsi! Une pierre tombant depuis cette hauteur n’est vraiment pas de chance. Ou alors son comportement dans ton temple a dû être vraiment discourtois Ô Courga pour qu’il soit ainsi puni!”

S’il le peut encore, il reprend alors sa lanterne et finit de faire le tour de la pièce. Peut-être qu’une issue conduisant aux quartiers de l’ancien Grand-Prêtre se serait dérobée à son regard? Ou un escalier?

[Astro Buck]

En tant que prêtre de Courga, Djirunyaza n’est pas sans connaître le rituel, mis en pratique dans certains temples, qui consiste à entrer en communication avec la divinité au moyen d’une combinaison de quatre baisers donnés à son idole sur des parties définies de son corps (telles que les lèvres, l’œil droit, l’œil gauche, le front), dans un ordre défini (variable d’un temple à l’autre) supposé correspondre au tracé d’un symbole mystique. Ces combinaisons secrètes sont connues des seuls adeptes du culte et protégées par un sceau magique ou un piège mécanique : quiconque commet une erreur dans l’exécution de ce Quatruple Rituel Codé ( « QR-Code » pour les initiés) s’expose à une conséquence possiblement mortelle.

Par contre, Djirunyaza n’a jamais entendu parler d’un rituel en rapport avec un coffre. Mais d’une région à l’autre et d’un temple à l’autre, il n'est pas rare qu'une même religion, dans ses cérémonies, présente des particularismes cultuels.

La pierre dans laquelle a été taillé le couvercle du tombeau est rugueuse sous la paume de Djirunyaza. De minuscules inclusions cristallines scintillent à la lueur de sa lanterne. Il s’agit probablement de granit.

L’exploration des lieux ne révèle pas de nouvelle pièce, ni d'escalier. Le Grand-Prêtre et ses ouailles devaient sans doute résider hors du temple.

Les investigations de Djirunyaza lui permettent de découvrir un seul élément nouveau, dont il est difficile d’apprécier s’il s’agit d’une information présentant quelque importance ou seulement d’un détail insignifiant : sous l’un des angles du tombeau opposés à l’idole, une dalle est brisée en deux et enfoncée, certainement à cause du poids, ajourant les solives vermoulues d'une structure en bois sur laquelle repose le dallage. Il s'agit probablement d'une technique architecturale employée pour égaliser et mettre à niveau le sol.

[Djirunyaza]

Ne sachant pas vraiment quoi faire à ce stade de son exploration, l’esprit de Djirunyaza se fixe sur son savoir touchant travail du bois… même s’il n’est pas une huile de solives, en trouver des pourries à proximité d’une grande statue de cuivre pourrait être dangereux pour l’image divine… et pour tout ce qui se trouverait sur le trajet de la chute!
Le prêtre se met à genoux afin de voir au travers du trou de dalle l’étendue des dégâts dus à l’humidité ambiante né d’un bien trop long abandon.

"Si le Grand-Prêtre vivait à l’extérieur du temple, peut-être que je devrais aller me renseigner sur le lieu de son logis, peut-être que j’y trouverai quelques indications sur le rituel létal ayant eu de si funestes conséquences."

Après son inspection, il se relève doucement, époussette son pantalon de toile fine et tourne son regard vers la porte du temple pyramidal qui devrait être la prochaine étape pour continuer ses recherches. Mais le dévot s’arrête après un pas.

"Non, je ne peux pas laisser le temple de ma Déesse avec … avec un je ne sais quoi qui en ronge le saint!"

Djirunyaza pose à nouveau sa lanterne sur le granit du tombeau et après une courte inspiration, dirige ses mains vers le coffre afin de vérifier la possibilité d’en soulever le couvercle… juste avant de le toucher, le nom du Grand-Prêtre lui revient en tête… le souple? Djirunyaya regarde alors si tout ou partie de la sculpture du gisant, une main, un pied, la tête possède une capacité d’être mobile.

Si la rigidité propre aussi bien à la pierre qu'au cadavre caractérise le tout, et si le ciel ne lui est pas tombé sur la tête, Djirunyaza tentera de soulever le couvercle.

[Astro Buck]

Sollicitant ses connaissances en architecture – bien que ce ne soit pas là sa spécialité – Djirunyaza trouve cela fort étrange de trouver en guise de fondation une structure en bois qui correspondrait plutôt au plancher d’un étage. La seule explication sensée qu’il trouve à cela c’est qu’il doit y avoir un sous-sol.

Il remarque par ailleurs que les déjections de rats sont abondantes autour de la dalle brisée. Une colonie de rongeurs doit probablement nicher entre les poutres de cette charpente vermoulue.

En palpant le gisant, Djirunyaza constate qu’il y a du jeu au niveau des jambes. Elles ne forment pas un seul bloc mais, étant séparées par une fine fissure, doivent pouvoir être désolidarisées l’une de l’autre. En observant bien la sculpture, le nomade remarque qu’au sommet de chacune des cuisses de pierre se trouve un cylindre qui pourrait fort bien avoir fonction de pivot et permettre d’articuler les jambes.