Ombre sur la Ville

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Ombre sur la Ville

Messagede Wolfgang le Sam 22 Déc 2018 01:03:23

Ombre sur la Ville
Texte d'ambiance horrifique

Etalant mollement son ombre sur la ville, le crépuscule s’offrait au monde comme une putain. Un vent de mort triste et froid parcouru l’asphalte des rues, déposant une chape de silence derrière lui. La vie se tût.

Seul dans son petit studio, Théodore s’était attelé à la corvée de vaisselle. Une pile d’assiettes et de couverts crasseux empilés dans l’évier faisait office d’élevage de bactéries en tout genre. L’eau stagnante croupissant dans ce bouillon de culture depuis plus d’une semaine avait pris les reflets irisés et répugnants du gras qui flottait en surface.

Sous l’évier, la poubelle saturée de détritus moisis et champignonneux dégueulait son indigeste pitance sur le sol collant de gras de cuisson qui ternissait toute la pièce d’une épaisse pellicule brunâtre.

En se vidant, l’évier émît un gargouillis de ventre affamé, tandis que les assiettes et couverts sommairement passés sous l’eau chaude s’entrechoquaient sans discrétion sur la table en formica blanc de la cuisine.

Théodore s’affala dans un vieux fauteuil de velours vert de gris miteux juste devant le téléviseur. Il se saisît de la zapette, et pressant du bout du pouce sur le bouton rouge, mis le poste sous tension. Un léger grésillement se fit entendre, tandis que le son et l’image se manifestèrent péniblement.

Zap ! Zap ! Zap ! … du Couillon Faible à Qui veut passer pour un con ?, avec un détour par Beauf Story, se succédèrent d’avilissantes et impudiques tranches de vie de plus ou moins jeunes français très moyen en quête de notoriété.

Avant que d’être lobotomisé, son cerveau, par le truchement du système nerveux, envoya un signal de détresse sous forme d’une brève impulsion électrique qui parvint non sans mal jusqu’aux muscles commandant son pouce… Power OFF... Silence… Assourdissant silence… Seul… Il demeurait seul, désespérément seul et depuis bien trop longtemps.

Aucune caresse féminine n’avait jamais caressé ni même frôlé la peau blême de son corps freluquet, ni dérangé ses cheveux gras. Aucune bouche au goût de miel n’avait effleuré ses lèvres ou sa joue. Aucun souffle haletant n’avait jamais réchauffé le creux entre son cou et son épaule. Son dos trop maigre n’avait jamais subit les assauts griffus d’ongles vernis. Son visage creux n’avait jamais ressenti le frisson du passage d’une mèche de fins cheveux longs. Son nez ignorait tout des parfums qui demeurent sur l’oreiller fourbu d’une nuit d’amour…

Perdu dans ces pensées, il caressa machinalement la surface de son smartphone pour ouvrir une page internet sur son site pornographique habituel. Devant ses yeux blasés défilaient des centaines d’encadrés miniatures aux titres évocateurs et aux extraits tentateurs… Deux minutes plus tard, Théodore tenait toujours son portable dans une main, tandis que l’autre main s’affairait à caresser un tout-autre outil. Tout en visionnant la vidéo, il repensait aux différentes femmes croisées ou rencontrées, avec qui il ne s’était jamais rien passé que dans ses fantasmes à la lubricité dégoulinante. Il fallut peu de temps avant qu’un fluide tiède jaillisse puis dégouline mollement sur son poing. Il fallut moins de temps encore pour que le plaisir donné par la jouissance cède la place comme chaque fois à cette putain de culpabilité…

- Putain d’éducation judéo-chrétienne à la con !
Se dit-il pour lui-même.

Dans sa tête se mit à résonner ce verset 30 en Matthieu, répété en boucle, inlassablement : « Et si ta main droite est pour toi une occasion de chute, coupe-la et jette-la loin de toi; car il est avantageux pour toi qu'un seul de tes membres périsse, et que ton corps entier n'aille pas dans la géhenne ».

- Mais TA GEULE PUTAIN !
Théodore connaissait bien cette voix qui lui répétait indéfiniment ce même verset chaque fois qu’il succombait, toujours la même voix, toujours ce même ton moqueur, méprisant, et autoritaire à la fois. Depuis le temps qu’ils se pratiquaient tous deux, il avait aussi appris comment la faire taire. Il se précipita donc à la cuisine, ouvrit le placard à apéros, et y attrapa une bouteille de whisky à peine entamée dont il but goulûment plusieurs longues rasades…

Un temps passa, la voix se tût, puis Théodore, enfin ivre-mort tituba jusqu’au fauteuil et ralluma la télé dont il mit le son à fond, pour s’assurer que la voix ne reviendrait pas le réveiller…

Dans ses songes, Théodore entendit encore cette voix, et ce verset, comme un refrain : « Et si ta main droite est pour toi une occasion de chute, coupe-la et jette-la loin de toi; car il est avantageux pour toi qu'un seul de tes membres périsse, et que ton corps entier n'aille pas dans la géhenne ».

Dans ses songes, Théodore se vit se lever du fauteuil et aller dans la cuisine. Il se vit ouvrir le tiroir et attraper le couteau. Il se vit le saisir fermement, et d’un geste net, se sectionner à hauteur du poignet, glissant la lame aiguisée entre les articulations dont les jointures sautèrent d’un coup sec.

Dans ses songes, il se vit répandre abondamment son sang sur le sol et les surfaces de la cuisine. Il se vit s’effondrer par terre, gisant dans son propre sang.

Il vit soudain cet homme surgir de nulle part. Il avançait sans aucun bruit, sans même bouger les jambes, sans un seul mouvement, droit comme un i. Il avançait comme glissant sur le sol, mû par une force qui demeurait invisible. Le visage de l’homme demeurait caché derrière une longue chevelure de jais grasse et visiblement sale. Il portait un cache-poussière de cuir noir et des bottes de même. Il s’arrêta sans un mot devant Théodore à l’agonie, et lui tendis un paquet de vieux tissus à l’odeur repoussante.

Théodore s’en saisit et ouvrit le paquet pour découvrir, enroulée dans le tissus visiblement très ancien, surgit une main monstrueuse momifiée.

Théodore eut d’abord un geste violent de recul et de rejet, puis se ressaisît et examina la chose…
L’homme aux cheveux sombres semblait lui indiquer de se saisir de cette « relique ». Théodore s’exécuta…

Une voie d’outre-tombe, une voix qu’il ne connaissait que trop bien , et qu’il ne pouvait pas faire taire cette fois-ci, lui parla alors dans un langage qu’il n’avait jamais entendu et qu’il comprit cependant comme s’il s’agissait de sa langue natale : « Tu veux vivre ? … Prends, porte, et fait tiens ! »

Théodore saisit la chose décatie, en défit les bandages, présentât les chairs mortes contre son moignon pissant de sang et nouât les bandages autour de celui-ci…

Presque-aussitôt, gorgée par le sang, la chose semblât se régénérer, la peau noirâtre reprenant un teint beaucoup plus clair, et une élasticité nouvelle, tandis que se soudaient os, tendons, vaines et chairs se soudaient jusqu’à ce que membre mort et membre à vif ne fassent plus qu’un.
Dans le même temps, Théodore sentit monter en lui une puissance telle qu’il n’avait jamais ressentie, une puissance extrême, violente, meurtrière, …

L’homme en noir se saisit sans mot dire du membre coupé de Théodore et l’emballât dans le même emballage souillé et puant qui contenait quelques minutes avant une main momifiée griffue, mains griffue maintenant au bras droit de Théodore, et qui gardait comme stigmates des veines noires courant sous la peau, et une hideuse cicatrice faisant le tour du poignet.

L’homme disparût comme il était apparu, sans bruit ni parole, sans fumée ou ne sait quel effet que le cinéma imagine pour nous qu’il devrait se produire en pareille circonstances… volatilisé… point barre !

Théodore avait soudainement faim, terriblement faim, et soif aussi, soif de vins, de spiritueux, soif de vivre ! Il sentit aussi venir en lui un désir nouveau, un désir terriblement violent et puissant, le plus puissant qu’il n’eut jamais connu : Un désir de viol et de meurtre ! Un désir de sang et de chair fraîche ! Humaine ! Il devait sortir et assouvir ce désir ! Maintenant !

Théodore se regarda dans le miroir à l’entrée de son appartement. Il était beau, fort, un charme sauvage se dégageait de lui, il était métamorphosé… « et terriblement beau-gosse » pensa-t-il à haute voix… « Théodore … Don de Dieu … Quel prénom à la con ! »

Il enfila sa veste, prit les clefs de sa bagnole qu’il glissa dans la poche droite, et dans la grande poche intérieure gauche de sa veste, il cacha un grand couteau de cuisine avec un sourire satisfait sur les lèvres…

Yaakab Multiversalis (Wolfgang)
"Les cheveux blancs sont une couronne d'honneur; C'est dans le chemin de la justice qu'on la trouve." PV 16,31

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