[TRAINING] - DJIRUNYAZA

[Djirunyaza]

Dans toute sa vie de prêtre, Djirunyaza a bien évidemment appris à nager... malheureusement, seulement dans le bonheur de servir sa merveilleuse Déesse. Dans l'eau par contre, il n'a pas le souvenir d'avoir déjà essayé!

Bien que blessé à nouveau à de multiples endroits suite à une défaite au combat, affaibli par une nuit sans repos et porteur d'une maladie incurable terriblement contagieuse ............. ........... le Saint homme n'a qu'une idée en tête: survivre pour ne pas casser sa voie. Cette idée, il se la répète tel un mantra alors qu'il se débat dans l'eau pour rester à la surface.

"Ne pas casser la voie... casser la voie, et les chansons qui viennent comme des cris dans la gorge"

[DJIRUNYAZA] - glou... Glou..rga!...glou...

"Envie de crier sa haine comme un chat qu'on égorge... casser la..."

Alors que tout son corps à nouveau le brûel de l'effort entrepris ou du venin de la vermine rouge, tentant de battre frénétiquement des bras et des jambes, utilisant son bâton comme radeau dérisoire ou essayant de se raidir à se transformer en planche, il lutte une nouvelle fois pour sa vie, espérant qu'au final, le Kok ne tapissera pas ses narines!

[Astro Buck]

Le courant du Kok, ce cœur du Chiang May, est puissant, si bien que même un nageur aguerri pourrait s’y trouver en difficulté. Djirunyaza est balloté en tous sens, tantôt submergé, tantôt immergé, buvant la tasse et recrachant des jets d’eau vaseuse. Il sent peu à peu ses forces l’abandonner dans ce combat inégal de l’homme contre les éléments. Quelle ironie, pour un homme du désert, que de finir noyé !

Alors que sa mort paraît inévitable, voici soudain - poussé peut-être par la main secourable de Courga - un gros tonneau qui flotte à sa rencontre. C’est un tonneau fermé, semblable à celui que Djirunyaza avait déjà vu passer la veille. A croire qu’un navire de fret fluvial a perdu sa marchandise. Mais peu importe sa provenance, il vient à point nommé ! Etreignant le tonneau, s’accrochant à la vie, le nomade parvient enfin à maintenir sa tête hors de l’eau. Toussotant et crachotant, inhalant de grandes bouffées d’air frais, il parvient peu à peu à retrouver sa respiration. Il semblerait finalement que son heure n’est pas encore venue. Le seul inconvénient, c’est que ce flotteur inespéré l’entraîne vers l’aval, dans le sens opposé à l’itinéraire qu’il avait suivi jusqu’ici en longeant la Rivière Kok.

[Djirunyaza]

Piégé sur le fleuve et son ruban, filant à toute allure sur son bolide entre la barrique et l'eau, le dévot pesteux s'accroche comme un beau diable.
Mais il aborde cette situation comme à son habitude et, avec toute la force qu'il lui reste, il continue à s'accrocher au bois salutaire avec ses bras et tente avec ses jambes d'incliner la trajectoire du tonneau vers la rive sud du tumultueux courant.
Il y met tout son être, toute sa volonté, malgré la faible chance de réussite de son action déjà mille fois contrariée par la puissance des flots...
Mais une nouvelle fois, ce n'est pas pour sa survie qu'il agit... il a une charge qui est d'apporter à ce monde sauvage et violent le message de la voie de l'Harmonie et de la Grâce de la Déesse Courga... mille fois il a déjà essayé par ses mots ou par ses danses, comme avec Dolph, d'apporter l'Harmonie et pour sûr, ses réussites ne doivent se compter que sur les doigts d'une main. Mais peu importe s'il avait mille fois il avait déjà échoué... car c'est sa voie et il ne peut en dévier.
Le prêtre bat des jambes encore et toujours avec ses propres forces... sans faire appel à sa Déesse hormis dans les prières qu'il forme dans son esprit.

[Astro Buck]

Etreignant sa bouée de fortune tel un ivrogne amoureux de son tonneau, Djirunyaza sent la forme arrondie de l'objet glisser inexorablement entre ses bras, centimètre après centimètre. Il est malaisé, de cette façon, d'empêcher le flotteur de lui échapper, la tension musculaire devant être constante. Mais fort heureusement, c'est un tonneau cerclé et les mains du nomade, en glissant, rencontrent une prise, parvenant à s'accrocher à une lamelle de fer à demi dérivetée, qui a du jeu et laisse un espace pour les doigts entre le cercle et le bois. Cela lui pince les doigts et fait légèrement saigner le tour de ses ongles, mais il n'est pas une blessure près.

Etant fermement agrippé, il peut à présent tenter de manœuvrer.

Sa première tentative donne un effet inverse à celui recherché : en agitant ses jambes, Djirunyaza rapproche dangereusement le tonneau de la rive nord, dont il racle les bords caillouteux avec un bruit inquiétant.

Sa seconde tentative ne réussit pas mieux. Mais elle a au moins le mérite de ne pas empirer les choses. Le tonneau poursuit sa trajectoire sans dévier d'un seul pouce, inaccessible aux sollicitations du prêtre de Courga.

Mais ce dernier est d'une ténacité à toute épreuve. Il faut dire que depuis son arrivée à Fang, il s'est retrouvé dans des situations toutes plus difficiles les unes que les autres, mais sa confiance en l'avenir et son éternel sourire face à l'adversité, fondés sur sa foi inébranlable en Courga, lui ont permis jusqu'ici de surmonter toutes les épreuves. Dans un ultime effort, il bat des jambes vigoureusement et... victoire ! Le tonneau dérive vers l'autre berge. Il ricoche contre un rocher et rencontre l'extrémité d'un tronc d'arbre coincé en travers de la rivière. Enserrant le tonneau entre ses jambes et refermant ses mains sur le tronc, Djirunyaza parvient à se hisser jusqu'à une mince plage de gravier très fin. Le tonneau s'y ensable et arrête sa course. Djirunyaza a enfin atteint la rive sud. Il ne lui restera plus qu'à grimper sur le talus pour sortir du lit de la Rivière Kok.

[Djirunyaza]

[justifier]Exsangue, il s'étale bras et jambes écartés sur la grève du fleuve. Sa poitrine se soulevant à un rythme affolant témoigne encore de la dureté de l'enchaînement de son combat matinal contre les fourmis de feu et celui mené contre le fleuve qui lui fait désormais face.

Les yeux clos, toujours gisant, il cherche autour de lui avec ses mains son bâton dont, absorbé dans l'enlacement de son radeau de fortune, il n'a plus le souvenir depuis qu'il a sauté à l'eau, en pleine débâcle face à l'armée rouge.

"Voilà l'occasion d'en retailler un autre...fufufu..."

Sa respiration revenue à la normale, se relève en dégoulinant.

"Quelle dommage d'avoir perdu le savon à la Fleur de Lys, Il aurait été temps d'en faire usage...fufufu..."

Le prêtre prends alors le temps d'essorer au mieux ses habits.

"Avec ce froid, il serait dommage de périr d'un rhume avant que la peste ne m'emporte!"

[DJIRUNYAZA] - Fufufu....

Laissant quelques instants ses vêtements posés sur une pierre, il essaie de réduire les blessures dues aux fourmis, malgré l'absence du matériel resté sur la rive nord.
Puis il se tourne vers le tonneau à qui il doit son retournement de situation, les yeux pleins de gratitude envers ce cheval de bois sagement échoué.

[DJIRUNYAZA] - Tiens, tu es encore là toi! Tu en as déjà tant fait pour moi, mais n'aurais tu pas quelques trésors à me révéler alors que je suis dans un total dénuement?

S'approchant du tonneau, Djirunyaza tente de découvrir ce qu'il contient.

[Astro Buck]

Survolant la Kok, six grues tracent dans les airs l'ébauche d'un V céleste et mouvant en lâchant de temps à autres un cri. Occupé à des préoccupations plus terre-à-terre, Djirunyaza met un terme à sa conversation avec le tonneau, qui refuse obstinément de lui répondre, pour en venir aux mains. Le couvercle cède sans difficultés à ses sollicitations. Le nomade ouvre le contenant mais le contenu, relativement aux trésors auxquels il s'attendait, s'avère décevant : il est rempli jusqu' à mi-hauteur de pommes.

Tandis qu'il inspecte le tonneau, Djirunyaza perçoit du mouvement sur le talus qui surplombe la mince bande de gravier. Sa dernière rencontre avec la vie animale ayant été des plus désagréables, il recule d'un pas, par réflexe. Mais il s'aperçoit qu'il n'a affaire, cette fois-ci, qu'à une inoffensive bande de lapins curieux. L'un d'entre eux, plus aventureux et audacieux que ses congénères, descend jusqu'à la plage par une étroite déclivité. Son museau moustachu frétille en humant l'air. Il est probablement à la recherche de quelque nourriture.

Le soleil a commencé son ascension et brille fort dans le ciel. Djirunyaza pourrait presque apprécier sa chaleur, qui sèche son corps frigorifié par l'eau glacée de la Rivière Kok, si n'était qu'en le réchauffant, il réveille la sensibilité de son épiderme, que le froid avait anesthésié, et réactive l'effet du poison injecté par les Fourmis de Feu, lui provoquant d'intolérables démangeaisons.

[Djirunyaza]

Prompt à saisir un spectacle touchant à la grâce, le jeune prêtre, toujours marqué par une extrême fatigue, s'assoit à côté du tonneau pour regarder passer les grues. Hélas, il s'assoit sur une pierre pointue qui le pique pile au coccyx, lui arrachant un cri de surprise et de douleur et un saut formidable qui le remit aussitôt sur pieds.
Tout en frottant l'endroit de cette nouvelle souffrance heureusement passagère, il relève les yeux vers les oiseaux voyageurs qui, maintenant éloignés, semblaient être un nez divin céleste suivant la ligne du Kok...
Sortant de cette image presque hypo..hypnopi...hypnopompique, il se reconcentre sur le tonneau.

Voyant son contenu, Djirunyaza tourne son regard vers le ciel et remercie les Dieux Bons pour leur générosité.

Puis, il s'adresse au tonneau.

[DJIRUNYAZA] - Et merci encore à toi mon ami, c'est en effet un véritable trésor que tu m'apportes, moi qui n'ai rien à manger et qui suis si faible qu'un souffle pourrait me faire tomber... Fufufu...

Il se saisit alors d'un fruit et, si après avoir vérifié il constate qu'il ne sont pas pourris, il commencera à en dévorer à l'envie.

Alors, son oreille est attiré par le bruit des petits lagomorphes. D'abord amusé par leurs petits bons mignons, un nouveau frisson lui parcours l'échine et il s'ancre alors au sol et cherche par réflexe le bâton qu'il n'a plus...

"Et si c'étaient de ses lapins tueurs qui vous sautent à la gorge et vous arrachent la carotide avant d'avoir le temps de compter jusqu'à... jusqu'à combien déjà?"

Est-ce cette tension qui le ramène aux douleurs de ses brûlures? En tout cas, il se pose les pieds dans l'eau glacée pour anesthésier cette souffrance qu'il espère limitée au bas de son corps désormais zébrés de plaques rouges.

Reportant son attention sur le lapin qui désormais lui fait face avec bravoure, Djirunyaza voit désormais le bon repas revigorant qui s'offre à lui.

Presque mécaniquement, il lance une pomme au sol juste à portée de son bras en direction du petit gibier.

S'il se rapproche vers la pommme, il se prépare à bondir, songeant déjà au festin qui l'attend...

"mmm... un lapin bien cuit à la broche avec des pommes... quelle félicité!"

Mais au moment de se jeter sur l'animal comme un horde de rat sur un prêtre imprudent, il suspend son geste, le regard figé sur la petite créature qui se régale peut-être déjà du fruit lancé

"C'est comme si j'étais face à moi même dans ce monde sauvage. Allez, un peu de légèreté sera la bienvenue"

Toujours les pieds dans l'eau, il prends plusieurs pommes qu'il lance en direction du talus pour que les compagnons de l'intrépide profite du festin.

Puis, sortant de l'eau, il s'assoie sur la grève et profite encore des entrailles de la barrique.

Regardant le petit téméraire (s'il ne s'est pas échappé!) avec un sourire, il lui dit sur le ton de la confidence.

[DJIRUNYAZA] - En plus, je n'ai rien pour faire un feu... fufufu....

[Astro Buck]

Les pommes sont d'un beau rouge brillant et appétissant. Ce sont de si beaux fruits qu'on dirait qu'ils ont été vernis. Rien qu'à les regarder, on en a l'eau à la bouche. Djirunyaza croque allégrement dedans. Elles sont juteuses, sucrées et légèrement acidulées : un vrai régal.

Quand il lance une pomme au lapin téméraire, celui-ci commence par reculer, effrayé. Mais il revient bien vite, renifle le fruit, puis repart. Puis il revient, mordille le fruit et repart. Il renouvèle ce manège plusieurs fois, et finit par dévorer la pomme à belles dents, jusqu'au trognon.

A défaut de son bâton sculpté, Djirunyaza trouve, à demi enfoncé dans le gravier, un morceau de bois flotté, de forme biscornue, mais qui à l'air plutôt solide et pourrait fort bien servir de gourdin de fortune aussi bien que d'appui pour la marche.

Les lapins auxquels Djirunyaza a lancé les autres pommes s'en font un festin.

Mais soudain, un fait inquiétant se produit. Le premier lapin tombe sur le côté comme une quille. Il se met à convulser. Ses petites pattes sont agitées de soubresauts spasmodiques. Une sorte d'écume blanchâtre sort de sa bouche. Enfin il s'immobilise tout à fait, raide mort.

C'est alors que Djirunyaza commence à ressentir une horrible douleur à l'estomac, comme si on venait de lui donner un coup de poing.

Alors qu'il est plié en deux, en train d'expérimenter de nouvelles souffrances, il entend au loin, des sifflements joyeux, provenant de la rive sud du Kok. Mais de là où il est, en contrebas du talus, le nomade ne voit rien, à part de la terre, de la roche, des herbes, et des cadavres de lapins.

[Djirunyaza]

"Ce voyage va pas mal en pis..."

Il se tord de douleur les deux mains agrippées à son ventre qui devient maintenant le centre d'une nouvelle souffrance. Couché sur le côté, la pomme qu'il était entrain de mordre semble se rire de lui d'un œil goguenard.

"Rien ne m'aura été épargné..."

Les yeux embués de larmes dues à son martyr, il regarde le sort qui l'attend au travers des pauvres lapins qui n'en finissent plus de mourir dans de pathétiques agitations.

"Ô Courga, je crois que mon sort est scellé... moi qui voulait te retrouver dans le bois des six troènes, je crois que je vais te poser un l..."

Le prêtre ne finit pas sa pensée qui lui parait, en cet instant si tragique ,totalement malvenue.

"Voici donc comment se finit le voyage chaotique de Djirunyaza, humble serviteur de Courga Déesse de la Grâce..."

[DJIRUNYAZA]- Merci pour ce moment!

Marmonne-t-il aux landes qu'il devine derrière la talus, avant de fermer les yeux une dernière fois, laissant son corps brisé quasi nu être caresser une dernière fois par le vent sombre qui lui a soufflé dans la face depuis que son voyage l'a mené jusqu'à Fang...











La douleur est toujours extrêmement présente. Dans ses oreilles bourdonnantes le fleuve Kok chante encore son chant furieux.

"La mort ne m'a pas encore cueillit..." Pense-t-il dans un soupir entre deux spasmes.

Puis il écarquille les yeux et son cœur bondit dans sa poitrine, l'adrénaline lui faisant oublier toute douleur! Là, devant lui, le visage de sa Déesse, la Divine Courga vient d'apparaitre dans la pomme! La partie béante croquée un instant plus tôt se mue en bouche merveilleuse qui offre à Djirunyaza le sourire chaleureux qu'il porte si souvent.

[La pomme COURGA]- DJIRUNYAZA, lève toi et marche!

Aussitôt l'image divine, le mirage ou le fruit du délire du saint homme s'efface, laissant devant les yeux ébahit du prêtre la pomme mortelle.

Animé miraculeusement d'une volonté nouvelle et puisant le prodigieux Courage donné par sa divine maitresse, il tente de se relever.

Mais à peine a-t-il remonté son buste en poussant sur ses bras, qu'une violente crampe abdominale le recloue au sol, la tête dans le gravier de la berge.

C'est alors qu'il hurle:
[DJIRUNYAZA]- A l'aide, aidez-moi, pour l'amour des Dieux Bons!

Répétant une ou deux fois son appel lancé à toutes les formes d'oreilles qui pourraient l'entendre par delà le talus, sa voix s'affaiblit...

Et si par le plus grand des hasard une forme apparait devant ses yeux désormais presque aveugles, il repensera au mal contagieuxqui le ronge et essaiera de prévenir l'éventuel sauveteur.

[DJIRUNYAZA]- Prenez garde à vous, je.... gare à vous... gare à...gare à...

Puis il sombre dans l'inconscience.

[Astro Buck]

Coulant au fond de l'inconscience comme au fond d'un puits, Djirunyaza a la sensation de se noyer. Le niveau de la rivière serait-il monté sous l'effet d'une crue subite et l'aurait-elle emporté de nouveau dans ses flots torrentueux ? Il se réveille en suffoquant, le visage complètement trempé. Bien qu'il ne soit pas au pieu, le pieux adorateur de Courga réalise qu'il n'est pas non plus dans la rivière : il est allongé sur le sol herbeux de la plaine. En voyant l'homme qui se tient au-dessus de lui, une casserole à la main, il comprend qu'on vient de le réveiller en lui jetant de l'eau à la figure. Décidemment, il ne sera pas resté sec longtemps...

Celui qui l'a ainsi réveillé est un vieil homme à la mine joviale, affublé d'un chapeau ridicule. Non loin de lui, attachée à un arbrisseau, paît une mule portant deux larges paniers d'osier remplis d'on ne sait quoi. Constatant que Djirunyaza a retrouvé ses esprit, l'homme porte une main à sa poitrine dans un geste théâtral et déclame d'une voix forte :


[VIEIL HOMME] -

Vous voici bien mal en point
Mais cessez vos « ouin ouin » :
Sindla m’a mis sur votre chemin
Pour vous confier à mes bons soins.

Je suis Dan-le-Fangeux
L’homme fongueux
Qui revient de Fang heureux
Sous un beau ciel bleu.
J’ai bien d’autres noms :
Dungheap Dan m’appelle-ton
Dans de lointains régions
Ou encore Ektor Zébulon
Bien au-delà de l’horizon
Mais je ne donne pas raison
Aux mauvais plaisantins
Qui m’affublent, ces gredins,
Du sobriquet bien vilain
De Mathurin Chantepurin

Cultiver les champignons
C’est toute ma profession
Mais à la myciculture
Je préfère la littérature.
Comme vous le constatez
En écoutant mes vers rimés
A la poésie va mon âme
Plutôt qu’aux cryptogames.

Tous les citoyens de Fang
Si vous leur aviez délié la langue
Auraient pu vous dire ces mots :
Un tonneau qui vogue sur les flots
De la Kok haute en pas pied
Est un événement très coutumier.
Les Fangois ont appris à leur dépens
Qu’il était bien plus prudent
De laisser le tonneau voguant
Poursuivre son chemin jusqu’à l’océan.
La rumeur s’en fait l’écho :
Les tonneaux sont jetés à l’eau
Par une sorcière siphonnée
Qui commence toujours par empoisonner
Les pommes avant de les déverser
Dans un beau tonneau cerclé.

Certains de mes champignons
Ont des propriétés antipoison :
Je pourrais donc vous sauver,
Si vous me le demandez.
Mais j’ai hélas un grand défaut
Qui est la qualité dont je me prévaux :
Mes oreilles se refusent à entendre
Toute parole, fût-elle tendre,
Qui ne serait dite en vers rimés
C’est mon prix si vous voulez être aidé
Sinon, mon assistance, hurluberlu,
Vous pouvez vous la mettre au…

Ayant terminé sa déclamation, Dan-le-Fangeux sourit et s'incline, comme s'il attendait des applaudissements.

[Djirunyaza]

Lorsqu’il reprend conscience, Djirunyaza fait un point sur son état physique: que deviennent ses différentes sources de maux?
Entre les zébrures rouges prurigineuses parcourant son corps, le poison des pommes dans son ventre et la peste bubonique qui le ronge peu à peu.

Constatant certainement que son calvaire ne fait que durer avec un panel de plus en plus élargi de peines, le jeune prêtre retourne son attention vers le vieux voyageur.

Le simple fait de recevoir un sourire et une invitation à faire preuve d’esprit fait du bien à Djirunyaza.

Après avoir déglutit et tenté de refouler la nausée qui menace de remplacer de sa bouche les vers par des jets, il se lance:

[DJIRUNYAZA] -
Bien fol est celui qui devant lui voit souffrance,
Et qui n’y voit que source de lamentation.
Aider son prochain pour toi qui est en errance,
Doit sans étape ni délai être ta mission.

Depuis l’enfance, Djirunyaza est mon nom d’homme,
A la divine Courga je voue mon existence
Et si sa Grâce ne peut être lue dans nul tome
Seul par la danse je n’arrive à lui donner sens.

De mon voyage je porte de nombreux stigmates
qui pourraient indiquer une destinée ingrate
Aussi il est de mon droit de te demander

De faire don séant de ton savoir en mycose
A mes souffrances apporter enfin une pause,
Et ne pas, tel un boeuf, être un gros ongulé.

[Astro Buck]

Dan-le-Fangeux affiche une mine à la fois surprise et réjouie en constatant que Djirunyaza, en dépit de son état, se prête au jeu et lui répond selon les conditions qu’il a posées. Il bombe la poitrine en reprenant son souffle et répond :

[DAN-LE-FANGEUX] –
Me pensant l’envoyé
Mandé pour vous sauver
De cet affreux péril
Causé par un baril.

M’étant cru l’envoyé,
Deus ex machina,
De l’Heureuse Sindla
Je me suis bien trompé !

C’est moi le fortuné
De vous avoir trouvé,
Vous qui savez croiser
Des rimes enchantées.

Vos beaux alexandrins
Ont mérité butin :
Bientôt je m’en reviens,
Un présent dans la main.

Il s’en va vers sa mule et plonge la main dans un panier en osier, avant de revenir auprès de Djirunyaza. Il reprend aussitôt sa déclamation :

[DAN-LE-FANGEUX] -
Si le même destin
Que ces pauvres lapins,
Tout petits tout mignons,
Vous ne voulez subir,
Ce moisi champignon
Je vous prie d’engloutir.

Ce disant, il se baisse – non sans grimacer, sans doute sous l’effet d’une douloureuse courbature ou d’un rhumatisme – et tend à Djirunyaza un champignon peu avenant, constitué d’un chapeau marron, rond, flasque et gluant, emmanché sur un pied court et enflé, à la teinte laiteuse et strié de lignes jaunes.

[DAN-LE-FANGEUX]-
Tel un joufflu bébé
Qui attend la tétée
Ouvrez grand votre bouche,
A en gober les mouches.
Croquez et mâchouillez
Et puis déglutissez.
Il n’est pas très exquis
Mais vous serez guéri.

[Djirunyaza]

Levant une main faible et tremblante due aux toxines qui parcours en tout sens ses veines, il se saisit de l'agaric et, sans plus de question que pour les pommes, il l'enfourne dans le gosier, réfléchissant à la stimulante réponse qu'il pourrait apporté à son étrange sauveur.

Machant l'immonde thallophyte, ses pensées se tournent vers l'antre ragoutante de Dolph, rajoutant à l'expérience un degré particulièrement fâcheux.

Si le comestible arrive a se frayer un chemin sans rejet vers son estomac, Djirunyaza essaie de se détendre en se reposant de tout son long.

A nouveau tel une étoile de mer échouée sur une plage, il s'adresse au vieillard.

[DJIRUNYAZA] -
Que votre geste soit loué Dan le Fangeux!
Si ce remède ne porte pas doux confort
Tel le lait maternel à l'enfant bienheureux,
Grâce aux Dieux si, par lui, à nouveau je sois fort.

Sindla, en obscure maitresse de mon destin
Porte ainsi fortune et infortune tout de go.
Deus ex machina vous êtes c'est bien certain
Pour avoir en vos deux mains remède à mes maux

Mais il y a un revers noir à la médaille
Car la peste bubonique tout mon corps tiraille.
Et il vous faut dés à présent faire attention,

De ne pas vous exposer au mal bien sournois
Qui peut vous atteindre par le son de ma voix
Et faire de votre gentillesse...malédiction!

Vidé par l'effort demandé par cette gymnastique mentale, il se laisse couler dans une torpeur bienfaitrice.

[Astro Buck]

Quand il sort de la torpeur, Djirunyaza constate que l’homme aux champignons de l’a pas abandonné sur la route, en dépit de l’aveu qu’il a eu l’honnêteté de faire au sujet de la maladie contagieuse dont il est atteint. Loin de paraître s’en soucier, Dan-le-Fangeux, cet infatigable moulin à paroles, est en train de composer une ode à la gloire des Libellules.

Le soleil zénithal fait monter des brumes de chaleur de la route poussiéreuse. Mais plus que de la chaleur, et plus que du poids de Djirunyaza qui est harnaché en travers de son dos, la mule qui ahane semble souffrir de l’intarissable logorrhée de son maître qui ânonne. La pauvre bête paraît prêtre à échanger non pas son royaume pour un cheval, mais ses œillères contre un cache-oreilles.

On n’entend plus le bruissement sourd de la rivière. Aux alentours, une vaste plaine s’étend jusqu’à l’horizon. A un point très éloigné, une seule éminence apporte un soupçon de verticalité dans ce tableau d’une morne platitude : c’est une montagne à la couleur inquiétante, rouge vif. Mais la mule ne va pas dans sa direction. Le nomade n’est pas au mieux de sa forme, mais il se sent tout de même beaucoup mieux et se sent parfaitement capable de marcher. Une forte odeur de champignons, mêlée à la sueur de la mule, titille ses narines.

En voyant que Djirunyaza est sorti de sa léthargie, Dan-le-Fangeux dessert les sangles au moyens desquelles il l’avait maintenu sur le dos de l’animal. Sans lui laisser le moindre répit, il l’assomme aussitôt de nouveaux vers de sa composition :

[DAN-LE-FANGEUX] -
Vous revoilà enfin
Émergeant des confins
De l’odieuse inconscience
Pour écouter mes stances.

Je préfère, et de loin,
Un humain attentif
A l’équidé rétif
Qui ne m’écoute point,

Toi qui es, compagnon,
Pâle comme une endive
Les vertus curatives
De mon bon champignon
Ont ravivé ton teint
Qui était bien éteint.

Nul remède fongique
Hélas ne peut soigner
La peste bubonique
Qui vous a affligé.

Je dois pourtant vous dire
Qu’il m’est permis d’agir
Sur votre maladie
A l’aide de mes champi
Si vous snifez ces spores
Merveilles de la flore,
Vous éliminerez
La contagiosité.
A défaut de guérir,
Vous ne ferez messire,
A nul autre subir
Votre mal qui empire.

Il plonge sa main dans une petite bourse et en extrait une pincée de poudre qu’il montre au nomade.

[Djirunyaza]

Sourire aux lèvres, libéré des sangles de cuir qui le maintenaient sur le dos de l’âne, Djirunyaza s‘étire et remobilise ses membres afin de recouvrer toute sa mobilité.
Bien qu’ayant retrouvé toute ses forces, le prêtre se rend compte qu’il n’est que l’ombre de lui-même et que chaque jour son propre corps devient plus lourd à porter, sa peau blafarde devenant le porte drapeau d’une déchéance totale annoncée.
Après un élégant signe de la tête et du bras en direction du vieux voyageur, il flatte l’encolure du baudet tout en lui grattant l’arrière d’une oreille.

Lorsque Dan le Fangeux lui tend la poudre aux vertus miraculeuses répondant aux risques de contagion du dévot, il ouvre de grands yeux brillants de reconnaissance et son sourire irradie, dévoilant un nombre considérable de dents. Sa main sans hésitation répond à l'invitation de recueillir le champignon finement rapé.

[DJIRUNYAZA] -
Ce que vous m’offrez là de votre main tendue
Me permets de parcourir cités et villages
De ma voie j’y porterai ainsi la vertu
Aux êtres sans condition de statut ou d’âge.

Il est donc certain qu’il va y avoir du spore
Mais moi je reste tranquille priant son action,
Songeant que si votre âne sans répit rale encore
C’est d’ignorer les merveilles de votre diction.

Reconnaissant pour votre charité sans faille
Je veux pour vous contre mon corps livrer bataille
Tournant mon âme pieuse vers la Divine Courga.

Prier, je ne peux en mots finements mêlés.
C’est avec des pas gracieux, choisis et soignés,
Que du doux jardin céleste je porte la loi.

Portant la main tenant la poudre à son nez, il reprend son souffle d’une grande inspiration. Son pas se mue alors peu à peu en danse, par le rythme et l’amplitude. Le prêtre appelle à lui la grâce de sa Déesse afin de réaliser sa dévotion. Ainsi, tout en cheminant il parle de ces terres sauvages qui l’entourent, de sa faune dangereuse ou fragile, de ses torrents tumultueux et indomptables, mais aussi du mal qui rôde sournoisement en ennemi de la grâce et de l’harmonie. Mais surtout, accomplissant peut-être de remarquables acrobaties rondes et hautes, il parle de la bonté dont de nombreuses personnes font semailles sur ces terres arides, portant ainsi la voie de l’harmonie et de la grâce.