SC: LA TROIE ENGLOUTIE - Ch 4 : Apollon VS Python

[Pike Maton]

Pike avait son allure toujours aussi décontractée. Son costume gris noir au rayure blanche lui donnait un air d'aristocrate et il n’arrêtait pas de jouer avec sa montre gousset.

[PIKE] - Bonne initiative, parceque je ne suis jamais venu ici et si j'en crois vos dires, vous avez déjà eu des soucis ici. Soyons prudent et restez prés de moi. Il serait bon que nous nous donnions aussi un lieu de rdv au cas ou nous venions a etre séparé. Nous allons chercher une porte de secours différente de l'entrée par laquelle nous sommes arrivés.


Pike faisait tourner la chaine de sa montre d'un air enfantin et profitait de ces mouvements pour lancer des coups d'oeil autour de lui.

[Astro Buck]

Kitty retrouve Pike dans le vestibule. Tous deux empruntent le long corridor qui aboutit directement dans le grand escalier à double révolution traversant tous les étages du Palais. Mais, à mi-chemin, Kitty entraîne son compagnon dans un corridor latéral.

Sur leur droite s’alignent les loges des premiers chanteurs. Les portes comportent des plaques porte-noms sur lesquelles on peut lire notamment : Ernest Van Dyck (ténor), Jules Godart (ténor qui n'est pas inconnu à Kitty), Paul Gautier (ténor), Gaston Dubois (ténor), Lucien Muratore (ténor)…

Kitty ouvre une grande porte sur le mur opposé. Le couple traverse alors la cour des décors : une vaste pièce en grand désordre. Là sont entreposés pêle-mêle, pour ne pas dire à l'oubli, châssis et toiles peintes monumentales des œuvres qui ne sont plus jouées et en attente d’évacuation vers les annexes de la Rue Richer.

Cette grande pièce encombrée et poussiéreuse est percée de quatre petites portes sur un côté. Les deux jeunes-gens ouvrent la première porte et se rendent compte qu’elle constitue l’issue secondaire d’une loge d’artiste.

Le baryton Maurice Renaud (qui interprétera ce soir le rôle de Hamlet) interrompt ses vocalises et regarde, médusé, Pike et Kitty traverser sa loge :

Les deux compagnons ressortent de la loge du chanteur par l'entrée usuelle et se trouvent de nouveau dans le premier corridor qu’ils ont emprunté. Ils font quelques pas et Kitty ouvre une nouvelle porte. Cette fois-ci, c’est la loge de Marcel Journet, baryton-basse qui interprétera ce soir le personnage du Roi. Il a l’air fortement indigné par le manque de savoir-vivre de ces deux individus :

[MARCEL JOURNET] - Oh ! Comment osez-vous ?

Pike et Kitty ressortent par la porte secondaire et se retrouvent de nouveau dans la cour des décors. Cette fois-ci, ils s’apprêtent à la traverser du Nord au Sud, en direction du grand vestibule qui forme un sas entre le Foyer de la Danse et la Scène.

Mais Pike et Kitty ne sont pas encore parvenus à la sortie qu’un léger craquement sur leur droite attire leur attention. En raison des panneaux qui sont appuyés sur le mur, impossible de voir ce qui est à l’origine de ce bruit. Peut-être un rat, tout simplement ? Ces rongeurs sont en effet un tel fléau dans le Palais Garnier qu'un homme, parait-il, aurait été employé à plein temps pour les chasser. On l'appelle tout simplement le Tueur de Rats.

[Kitty Yellow]

La main toujours dans son sac, préte à agir, Kitty s'écarte du mur et continue sa marche mais prend soins de ne pas traverser les loges des acteurs afin de rester Discret. Pike n'étant pas supposé etre dans le batiment, ce n'était pas le moment de se faire repérer

[Pike Maton]

Pike était sur ses gardes, et se contentait de répondre d'un sourire géné à la traversée organisée. Il ne s'était pas attendu à cela.

[PIKE] - Vous l'aurez surement comprise par vous meme, mais il n'est pas utile de traverser ces salles occupées surtout en ce début de soirée à gala. Faisons profil bas

Il répondit d'un air qui ne se voulait pas de reproche mais on voyait qu'il écoutait le bruit de ces rats dans le mur. Il voyait mal ce que cela pouvait etre mais il s'en approcha par curiosité

[Astro Buck]

Pour s'approcher de la source du bruit, Pike doit se frayer un chemin parmi le bric-à-brac qui encombre la cour des décors :

Le bruit se précise à l'oreille de Pike, ainsi qu'à celle de Kitty, bien que cette dernière soit demeurée en retrait. Quelque part sous ce fatras, une personne est en train de haleter, comme si elle venait de courir un marathon. Ces halètements sont entrecoupés de sanglots. Après avoir zigzagué entre les éléments de décor encombrant les lieux, l'espace se dégage soudain devant Pike. Il voit le mur de la pièce.

Devant ce mur, lui tournant le dos, se trouve un rat, effectivement. Non pas un rat de l'espèce des rongeurs mais un rat... d'opéra, c'est-à-dire une petite ballerine bien humaine :

[Pike Maton]

Pike pose la main sur l'épaule de Kitty pour lui faire comprendre d'arréter son mouvement. Il passe devant Kitty et lui fait un signe de tete en direction de la gamine. Il fait quelque pas dans sa direction mais reste à bonne distance pour ne pas l'effrayé et se met à parler tout bas



[PIKE] - Hé psssssss! ca va? Tu t'es fais mal? Qu'est ce que tu fais là?

[Astro Buck]

Bien que Pike s'y soit pris avec tact et douceur, la petite fille pousse un cri de frayeur en se retournant :

A présent que la ballerine a décollé son visage du mur, Pike remarque un trou, vraisemblablement un judas, à travers lequel filtre un mince rayon de lumière.

[BALLERINE] - Non ! non ! non ! Je ne veux pas y retourner. Il y a le monsieur qui donne des bonbons. Je ne veux pas les manger ses bonbons.

Pike (et Kitty si elle l'a suivi) constate que le petit rat d'opéra a l'air terrifié. De grosses larmes perlent sur ses joues :

[Kitty Yellow]

[KITTY] - Des bonbons?

Kitty avait parlé malgré elle. Elle s'avança pour dépasser Pike et tenta de se mettre a genoux malgré sa robe surement dure. Elle tenta à son tour d'afficher un regard et un visage doux, bien qu'à l'intérieur d'elle, la peur commençait à la gagné. Elle tendit sa main droite vers la fille, la sortant de son sac


[KITTY] - Alors si tou né veux pas y retourner, tou n'y retournera pas, c'est entendou... Je suis Miss Kitty et loui, c'est Seignor Pike. Quel est ton nom à toi, et qu'est cé ké tou fait ici? Ou sont tes parents et c'est qui celui qui te donne des bonbons?

[Astro Buck]

La petite ballerine essuie ses larmes du revers de la main. Elle semble rassurée par la présence de Kitty.

[BALLERINE] - Je m'appelle Suzanne. Vous avez des noms rigolos Madame et Monsieur. Vous êtes des artistes vous aussi ?

Une esquisse de sourire commence à poindre sur ses lèvres. Mais il se dissipe aussitôt, chassé par l'inquiétude.

[SUZANNE] - Moi, je me cache ici en attendant que le monsieur aux bonbons s'en aille. De là, j'arrive à le voir par le petit trou dans le mur. Mon professeur de danse va me punir sévèrement pour mon absence. Mais je m'en fiche ! Je préfère encore être punie par le professeur, plutôt que d'être forcée de manger les chocolats de monsieur Pourdieu et de sentir sa grosse main poisseuse caresser mes cheveux. Il me fait peur. Ne lui dites pas que je suis là !

A cette évocation, de gros sanglots la reprennent, elle accroche ses petits bras autour du cou de Kitty et enfouit son visage contre sa poitrine.

[Kitty Yellow]

Kitty fronce les sourcils d'incompréhension et regarde Pike. Bien entendu, l'envie d'aller mettre son oeil dans le trou est plus grande que la peur qu'une bete n'en surgisse. Elle s'pproche du trou et tente de voir de qui la filette parle


[KITTY] - A quoi ressemble ton professeur Suzanne?


*Bon, tu nous fait quoi kitty? Tu vas pas t'arréter toute les 10minutes quand meme!*

[Astro Buck]

Kitty appuie son œil contre le judas et découvre la salle adjacente. Il s'agit du Foyer de la Danse, grande salle orné de chaque côté par 6 colonnes cannelées et spiralées, dont les dorures chatoyantes réfléchissent la lumière de grands lustres, au plafond surchargé de décorations frisant le mauvais goût. Partout courent, gesticulent et virevoltent des danseuses âgées entre 16 et 26 ans.

[SUZANNE] - Mon professeur de danse ? Il porte une moustache noire et une canne à pommeau d'argent.

La description permet aussitôt à Kitty de repérer le personnage :

[SUZANNE] - Mon professeur n'est pas un méchant homme. Il est sévère, mais c'est grâce à ses bons conseils que je suis devenue quadrille. Celui qui me fait peur, c'est monsieur Pourdieu, le monsieur aux bonbons. C'est un abonné de l'Opéra, il vient nous regarder danser trois fois par semaine. Une fois, j'ai vu une ballerine partir avec lui. Elle n'est jamais revenue.

Kitty n'a aucune difficulté à identifier monsieur Pourdieu, un vieil homme au visage épais et adipeux, qui se trouve précisément en train de flatter les plus jeunes danseuses tout en leur distribuant des sucreries :

La véritable vocation du Foyer de la Danse est un secret de polichinelle : cette salle, parait-il, serait moins une piste de danse qu'un lupanar pour messieurs fortunés... Mais il faut bien reconnaître que, parmi tous ceux qui rôdent autour de la piste, monsieur Pourdieu se distingue par la lueur particulièrement malsaine qui brille dans ses yeux.

[Pike Maton]

Pike s'approcha pour jeter un coup d'oeil lui aussi et attendit que Kitty se leve. Aprés avoir regardé la scene, il s'approcha d'elle discretement et lui parla en espagnol

[PIKE] - Que comptez vous faire. On devrait envoyer la fillette chez le concierge et lui demander de prendre contact avec la police, sauf si vous voulez vous occuper de ca vous meme. Mais nous nous égarons du sujet de notre visite et ce lieu va grouiller de monde dans peu de temps


Il lanca un petit clin d'oeil à la gamine pour la rassurer et l'amuser


[PIKE] - Par ou es tu rentrés ici? Il y a une porte qui mene à ta salle de danse?

[Astro Buck]

La ballerine sort des jupons de Kitty pour lancer à Pike un regard interrogatif et quelque peu méfiant.

[SUZANNE] - Et vous ? Comment êtes-vous entrés ? Vous ne savez pas que pour aller au Foyer de la Danse, il suffit de sortir par cette grande porte là, et d'ouvrir ensuite la première porte sur votre droite ?

La danseuse s'éloigne de Pike et de Kitty en marchant à reculons à travers le fatras de châssis, de toiles gigantesques et de panneaux peints.

[SUZANNE] - Vous n'avez pas l'air de savoir où vous êtes... Vous n'êtes pas de l'administration ? Qu'est-ce que vous faites là ? Qui êtes-vous ?

Suzanne disparaît soudain entre deux colonnes gréco-romaines en carton-pâte. Pike et Kitty entendent un trottinement précipité auquel succède bientôt un parfait silence.

[Pike Maton]

Pike leve les yeux au ciel mais ne dit rien, il laisse la fillette partir sans l'empecher et parle d'une voix calme pour tenter de la convaincre et de la calmer

[PIKE] - Maaaiiiiis tu as tout à fait raison, Tu es trés maligne, je te félicite. C'est vrai que je ne suis pas d'ici et pour dire la vérité, je viens ici pour la première fois. C'est Madame Kitty qui travaille ici et elle me fait faire le tour du batiment pour me montrer tout les petits chemins parceque c'est tellement grand qu'on pourrait s'y perdre facilement tu ne trouves pas?


Pike chercha un endroit ou poser ses fesses non dans l'idée de se reposer mais plutot d'appuyer son air décontracter


[PIKE] - Ho mais j'y pense Suzanne. Au lieu de te cacher ici, ne voudrais tu pas venir avec nous. Comme ca tu ne te fera pas gronder et tu pourras dire que tu es avec des adultes. Sinon on peut te ramener chez le concierge si tu préfère.



Il jette un oeil à Kitty pour avoir son aval, meme si il a déjà lancé sa connerie

[Astro Buck]

A-demi assis sur la margelle d'un puits en plâtre peint, Pike finit à peine de prononcer ces derniers mots que la grande porte dont parlait Suzane s'ouvre à la volée. Une longue femme aux cheveux attachés en chignon strict, aux traits austères s'avance entre les carcasses de décors abandonnés.

D'une voix douce, qui dénote avec la sécheresse de ses gestes et la sévérité de son allure, elle appelle :

[INCONNUE] - Suzanne ! Montre-toi ! Je sais que tu es là.

Se déhanchant pour jeter un œil vers le mur auprès duquel se tiennent Pike et Kitty, elle les aperçoit et, fronçant les sourcils, leur jette un regard désapprobateur et plein de mépris. Respectueuse de l'étiquette, elle les salue néanmoins avec une froide politesse.

[INCONNUE] - Madame, Monsieur. Soyez sans crainte, je ne dirai rien à personne, je ferai comme si je ne vous avais pas vus. A charge de revanche, je vous saurais gré de bien vouloir me renseigner : auriez-vous vu passer Suzanne ? C'est une petite ballerine, quatorze-quinze ans, brune, cheveux longs désordonnés...