Prélude - Aléssa

[Astro Buck]

Scénario Hollow Earth Expedition


LA TROIE ENGLOUTIE


Premier Chapitre : Prélude.

Avec la participation de Kate Tair

Le voyage aura été long et éprouvant.

Aléssa est partie de New-York à bord du paquebot SS Venezia de la Fabre-line (Compagnie Française de Navigation à Vapeur Cyprien Fabre). La traversée transatlantique a duré plus de deux semaines. Ensuite elle est montée dans un train de la Compagnie du Chemin de fer PLM (Paris-Lyon-Méditerranée) jusqu’à Paris.

A peine remise de sa fatigue, après avoir posé ses valises à l’hôtel, elle se rend à la dernière adresse depuis laquelle Mathieu lui a écrit : au 3, rue Casimir-Périer, Paris VIIème.

Descendue de son taxi, Aléssa longe à pieds les façades de la rue Casimir-Périer. Elle sent un irrésistible sourire étirer ses lèvres lorsque ses yeux tombent sur la plaque commémorative du numéro 27. Ce numéro, où mourut la comtesse de Ségur en 1874, faisait l’objet d’une blague récurrente entre elle et Mathieu. Celui-ci voue une haine farouche pour la littérature romanesque et poétique : seuls les ouvrages scientifiques l’intéressent. Alors, pour le taquiner, Aléssa ne manquait pas de lui rappeler, à chaque fois que s’en présentait l’occasion, qu’il avait bien de la chance d’habiter dans la rue de la comtesse de Ségur. Et Mathieu de lui répliquer que c’est au numéro 3, là où lui-même avait choisi d’emménager, qu’aurait dû être fixée une plaque commémorative. Parce que le numéro 3 avait été la dernière demeure d’un grand paléontologue, le vicomte Adophe d’Archiac, avant qu’il ne mette fin à ses jours en se jetant dans la seine en 1868. Cette blague pourrait bien ne plus jamais faire sourire Aléssa s'il s'avérait par malheur que Mathieu ait suivi le même chemin que l'illustre paléontologue...

Aléssa arrive enfin au pied de l’immeuble haussmannien où se trouve l’appartement de Mathieu :

Bien qu’Aléssa n’y soit encore jamais venue, les lieux lui semblent familiers, tant Mathieu les lui a décrits dans ses lettres. La fenêtre de son appartement, au quatrième étage, donne sur les arbres du Square Samuel-Rousseau. Ce petit carré d’espace vert, toujours à demi envahi par l’ombre immense de la basilique Sainte-Clothilde, offre sans doute un refuge agréable contre les chaleurs estivales, mais en ce mois de novembre glacial, il paraît sinistre.

[Kate Tair]

Alessa prit son inspiration et goûta l'air de Paris. Elle avait prévenu Matthieu de son arrivée mais il n'avait pas répondu à sa lettre, comme les précédentes... Elle était inquiète... Et s'était donc permise de venir directement, sans attendre une réponse qui n'arriverait probablement pas comme les précédentes. Pourquoi ce silence... Cela faisait plusieurs mois qu'il était parti à Paris mais cela ne changeait pas de ses précédents emplois... Il n'avait jamais pris la peine de ne pas lui répondre.

Elle avait déposé ses affaires à sa chambre d'hôtel mais était armé de sac à main cuir en bandoulière, ses papiers et surtout son blog note. Elle sorti ce dernier et dégaina un stylo. Puis, elle frappa à la porte, dans l'espoir que quelqu'un lui ouvre... Une gouvernante, un voisin, une gardienne, femme de ménage... Avec qui elle pourrait communiquer.

Matthieu ne l'aurait jamais laissé sans réponse sans une bonne réponse. Et elle était fermement prête à découvrir laquelle.

[Astro Buck]

A travers la porte, Aléssa entend le son étouffé d'une voix qui crie :

[VOIX] - Oui, oui ! ça vient, ça vient !

Cliquetis de clés, raclement de verrou, grincement de gonds. Dans l'encadrement de la porte apparaît une femme en tablier. Son visage austère, aux traits usés par le temps et le labeur, semble avoir été déserté pour toujours par toute velléité de sourire.

La concierge, car de toute évidence c'en est une, détaille Aléssa de la tête aux pieds avec un air de méfiance qui se dissipe bien vite pour laisser place à une attitude d'obséquiosité forcée.

[CONCIERGE] - Bonjour Mademoiselle ! Que puis-je pour votre service ?

[Kate Tair]

Alessa lui sourit avec gentillesse. Elle écrivit sur son carnet, assez rapidement mais que l'information reste lisible:

Bonjour Madame. Je suis muette. Je cherche un des locataires qui vit ici. Matthieu. Pourriez-vous m'annoncer à lui ?

Elle présenta son écrit à la femme et quand celle-ci eu lut et releva les yeux vers elle, elle montra la fenêtre de l'appartement qu'elle savait avoir était loué par Matthieu. Puis sorti de son carnet une photo de Matthieu et elle, lors de leurs fiançailles. Cette photo était tactiquement la meilleure pour précéder la réponse à des questions.

Par rapport à son handicap, il y avait souvent deux réactions. La pitié et donc la gentillesse et le vouloir en faire trop. C'était usant mais assez utile. Et la seconde s'était l'agressivité par manque de temps. Rare les gens ayant recours au deuxième choix, surtout en tête à tête. S'étaient plus les gens arrêté dans la rue qui avait ce genre de comportement.

Elle attendit donc, toute sourire, la réponse de la femme.

[Astro Buck]

La concierge hoche la tête à la lecture du message d'Aléssa et, avec plus de conviction encore, répète le même geste en regardant la photo. Son visage s'affaisse pour former une moue d'apitoiement presque caricaturale.

[CONCIERGE] - Oh, ma pauvrette. En voilà encore un qui n'a pas tenu ses engagements, hein, c'est ça ? Il vous aura promis monts et merveilles et puis, après avoir obtenu de vous ce qu'il voulait, il vous aura abandonné.

La vieille femme s'écarte sur le côté et, d'un balancement éloquent de son bras, invite Aléssa à entrer dans le vestibule.

[CONCIERGE] - Allons, entrez donc, ne restez pas dehors par ce froid. J'étais en train de boire une camomille avec un doigt de gnôle. Vous en voulez un bol ? (Elle lève énergiquement son index à hauteur de son visage.) En tout cas je comprends mieux, maintenant, pourquoi il a disparu sans laisser de nouvelle, Monsieur Stofile (Bien qu'écorché par la concierge, Aléssa reconnaît le nom de famille de Matthieu : Stonefield). Deux mois de loyer qu'il nous doit ! Alors vous me pardonnerez si j'ai vendu la plupart des affaires qu'il avait laissées, à part un carton de vieux livres. Et encore, ça suffit à peine à couvrir les sommes dues. Je suis sûre qu'une honnête dame comme vous s'acquittera de ses dettes ? Ah oui, ma pauvrette, parce que des dettes c'est bien tout ce qu'il vous a laissé, ce mufle !

Elle plisse les yeux et arbore un air de complicité secrète en ajoutant dans un chuchotement :

[CONCIERGE] - Mais s'il vous a laissé encore autre chose, quelque chose de bien embarrassant (elle pose sa main sur le ventre d'Aléssa.), je peux vous recommander à une personne de ma connaissance qui saura vous en débarrasser.

[Kate Tair]

Alessa suivit la femme avec un air vaguement désoeuvré... Les français avaient une façon de présenter les choses... Particulière.

Deux mois... C'était très long et cela correspondait à la date à laquelle ses lettres avaient cessées... Elle savait Matthieu tête en l'air pour les choses sans importance... Du moins qui était de l'ordre la gestion de ménage... Se nourrir, faire les courses ou ranger n'avait lieu que quand une affaire était jugée inintéressante... Payer le loyer avec du retard n'était pas en soie anodin... Par contre, fuir en ne payant pas son loyer, s'était quelque chose qu'il n'aurait jamais fait ! Du moins, elle le pensait...

Elle démentie d'un sourire et d'un mouvement de tête pour son ventre. Et mima le fait de boire une boisson chaude avec le doigt pour dire qu'elle n'était pas contre un peu de gnole.

Une fois assise, le temps que la personne la serve, elle commença la rédaction de quelques messages et les lui montrerait dans l'ordre. Au fil de la boisson et de la discussion.

- Bien sûr Madame, je paierai le manquement de loyer. Je suis désolé des ennuis causés.
- Pourriez-vous me dire si vous connaissiez des noms de personnes qui sont venus lui rendre visite ?
- Savez vous où il travaillait ?
- Pourriez-vous me donner le carton de livres ?
- Vous n'aviez pas reçu des lettres que je lui aurait écrit à cette adresse depuis 2 mois ?

Le fait de payer le loyer lui permettrait de récupérer la bonne volonté de la femme mais également les livres de Matthieu... Il annotait toujours énormément ses ouvrages... Peut être trouverait-elle quelque chose. Elle avait d'ailleurs la plupart des informations qu'elle demandait mais maintenant, elle souhaitait vérifier leur véracité. Savoir que ses affaires avaient été vendues, néanmoins, la peiné...

Même si elle avait tout à fait confiance en Matthieu, la concierge venait de lui insérer un léger doute qu'elle tenta de cacher...

Dès que la femme revint, elle but la boisson en se réchauffant les mains sur la tasse en articulant silencieusement un merci. Puis, elle lui présenta son premier message et la laissa parler avant de présenter les suivants au fur et à mesure.

[Astro Buck]

La puissante amertume de cette boisson, révolte tout d'abord les papilles. Mais celles-ci sont rapidement anesthésiées par l'adjonction salvatrice d'eau-de-vie frelatée. La concierge aspire son bol dans un bruit mouillé formidable. La bouche encore fumante du liquide bouillant qu'elle vient d'avaler sans sourciller, elle répond à la première question d'Aléssa :

[CONCIERGE] - Oh, il recevait rarement du monde. Jamais de femme en tout cas, si c'est ça que vous cherchez à savoir. Et je ne raconte pas des menteries pour le couvrir, notez bien. Jamais je ne serais la complice de ces affaires-là, j'ai de l'éthique moi ! Combien j'ai connu de pauvrettes comme vous, victimes de belles paroles, passant leur vie à attendre le retour d'un homme qui les a oublié sitôt qu'il a trouvé assouvissement aux exigences de sa nature. (Manifestement consciente d'en dire plus, peut-être, que ce qu'Aléssa demandait, la concierge baisse les yeux. Elle toussote dans son poing pour se donner une contenance.) Je n'ai pas retenu les noms de ses rares visiteurs. Mais il y en a un que je n'oublierai pas. Il est venu au moins deux fois, un professeur de je ne sais quoi, très bien, très correct. J'ajouterai même : un bien galant homme, il m'a donné un magnifique bouquet de fleurs exotiques.

Après avoir lu la question suivante, la vieille femme se lève. Du bout d'un fourgon noirci, elle soulève une plaque de la cuisinière à charbon. La lueur des flammes rougit son visage tandis qu'elle triture les braises.

[CONCIERGE] - Malheureusement, ma pauvre dame, je ne sais rien des activités de Mr Stofile. Il était très peu bavard et ne tolérait pas que je lui pose de question. Mais je le voyais souvent charrier des piles de gros livres et peut-être qu'il travaillait dans une librairie ou une bibliothèque. Tenez, d'ailleurs voilà le carton dont je vous ai parlé. Vous me pardonnerez s'il manque quelques feuilles, je m'en suis servi pour envelopper des victuailles et pour allumer le feu. Il faut dire, il y en a tellement des pages, je me suis dit c'est pas une ou deux en moins qui vont changer quelque chose, si ?

La concierge ouvre un placard à balais et sort le carton qu'elle pose sur la table devant Aléssa. Par-dessus le carton, la jeune femme voit une pile de lettres maintenues ensemble par une ficelle. Elle reconnaît sa propre écriture sur les enveloppes dont aucune n'a été décachetée.

[Kate Tair]

Alessa remercia la concierge de sa gentillesse avec un mouvement de tête et un sourire. Même si il manquait quelques pages, elle ressentit une petite joie et un pincement au coeur, à la vu des livres et de ses lettres. Elle prit le premier, écartant les lettres avec précaution. Elle l'ouvrit et feuilleta l'ouvrage. Sans que cela ne l'étonne, il parlait de fouille, de paléontologie, de lieux...
Elle sourit et une soudaine émotion lui fuit monter les larmes aux yeux. Elle se les frotta avant que l'émotion ne la submerge. Inutile que cela ne devient plus gênant que cela ne l'était déjà...
Elle écrivit à nouveau sur son calepin :

- Je vous remercie encore une nouvelle fois Madame pour votre temps et vos réponses. Ainsi que pour votre accueil. Je vais retourner à mon hôtel pour ramener les affaires de Matthieu. Avant que je parte, vous n'auriez pas une dernière information qui vous reviendrait à l'esprit ?
- Combien vous doit Matthieu pour le loyer ? Que je vous règle sa dette également ?

[Astro Buck]

La vieille femme lit les mots d'Aléssa et prend un air désolé pour répondre :

[CONCIERGE] - Ma pauvre petite, je ne puis hélas rien vous apprendre de plus.

Elle raccompagne Aléssa jusqu'à la porte, qu'elle ouvre d'une poussée énergique. Dehors, la lumière du jour déclinant s'est encore assombrie sous l'amoncellement des nuages. Une petite pluie fine s'est mise à tomber. La concierge toussote d'un air gêné.

[CONCIERGE] - Non, je n'ai plus rien à vous apprendre. Enfin, rien si ce n'est le montant des loyers impayés. Hum ! C'est une si forte somme que j'ose à peine la dire. Quatre cent francs tout rond. Remarquez, je comprendrais que vous n'ayez pas tout ça sur vous, ET JE VOUS DONNE BIEN RAISON : avec ces Apaches qui vous égorgent sans hésiter pour 2 piécettes et un bouton de manchette, vaut mieux sortir les poches légères. Alors vous pouvez vous me donner un peu aujourd'hui, disons une caution pour ce tas de papelards qui ferait le bonheur d'un vendeur de marrons (elle désigne le carton de livres) et vous m'apporterez le reste plus tard. C'est à votre convenance ?

[Kate Tair]

Alessa valida d'un mouvement de tête. Elle n'avait pas retenue la grimace à l'annonce des dettes Mais il lui fallait récupérer les livres... Elle écrivit rapidement :

Cela veut-il dire que je peux prendre les livres ?

Puis elle fit un chèque, d'une vingtaine de francs, pour la caution demandée... C'était déjà une belle somme. Elle n'avait que peu d'argent en poche car, comme l'avait dit la concierge, inutile de tenter le diable. Si elle avait les livres, elle irait à sa chambre d'hôtel. Ensuite, elle prendrait les transports en commun et irait sur le lieu de travail de son fiancé.

[Astro Buck]

La concierge grimace un peu à la vue du chèque : elle aurait certainement préféré de la monnaie sonnante et trébuchante. Faute de mieux, elle accepte néanmoins la transaction et cède le carton à Aléssa.

Après avoir déposé son fardeau livresque à sa chambre d'hôtel, la jeune femme se rend, ainsi qu'elle l'a projeté, au dernier lieu sur lequel, à sa connaissance, Mathieu ait travaillé. L'endroit n'est pas difficile à trouver : il s'agit du Jardin des Plantes. Son fiancé était alors assistant du Professeur Boule. Dans une de ses dernières lettres, datant du mois d'Août, Mathieu avait joint la coupure de presse suivante, sur laquelle on peut le voir, entouré en jaune :

Aléssa monte à bord d'un de ces autobus flambants neufs qui, depuis quelques années, tendent à remplacer les omnibus hippotractés, suivant la pente inexorable du progrès. En milieu d'après-midi, elle parvient au Jardin des Plantes et se dirige vers le Museum. Ce bâtiment prestigieux, pour tout paléontologue, représente le saint des saints. C'est d'ailleurs là que le mot même de "paléontologie" fut forgé en 1822 par Henri-Marie Ducrotay de Blainville, élève du grand Cuvier.

Dans les jardins, dépouillés en ce frisquet Novembre de leur parure florale, de rares promeneurs sont disséminés ça et là, resserant autour de leurs cous les cols de leur manteaux. Les fenêtres du museum d'histoire naturelle sont, pour certaines, déjà éclairées : en raison des nuages ombreux, on pourrait croire que le crépuscule est en avance.

[Kate Tair]

Alessa s'avance d'un pas décidé vers le bâtiment. Elle avait marqué un léger temps d'arrêt... C'était un rêve de venir ici, en ce lieu... Et elle ne pouvait en profiter pleinement à cause de son inquiétude pour Mathieu. Mais depuis qu'elle avait manifesté son intérêt pour la recherche et les ossements, venir ici était un voeux qu'elle pensait exaucer avec le nouvel emploi de son fiancée.

Elle ne put détacher ses yeux de tout se qu'il se passait autour d'elle. Avant d'entrer, elle commença à écrire des phrases typiques sur son carnet, et se mit à la recherche du panneau d'accueil pour ce diriger vers ce dernier. Avec un peu de chance, quelqu'un parlerait le langage des signes. Un endroit aussi prestigieux avait probablement des interprètes.

[Astro Buck]

Dans le hall d'entrée de l'administration, derrière un guichet d'accueil en bois sombre se tient un petit vieillard occupé à lire le journal. Par-dessus ses petites lunettes rondes abaissées sur son nez, il observe Alessa. D'après les propos qu'il tient, elle comprend aussitôt qu'il la prend pour une étudiante :

[VIEILLARD] - Alors ma petite, on arrive en retard, hein ?

Sans attendre de réponse, il fourre entre les mains d'Alessa un document qui détaille le programme des cours donnés dans l'après-midi au Grand Amphithéâtre du museum :

Au-dessus de la tête du vieillard, l'horloge indique 15h50.

[Kate Tair]

Alessa pris note de l'information. Docteur Boule... Elle avait 10min avant la fin du cours du docteur... Elle remercia d'un mouvement de tête l'homme de l'accueil et chercha du regard un panneau informatif, comme il y en avait normalement dans chaque université, l'informant de chemin à suivre pour trouver l'amphithéâtre. Une fois qu'elle aurait l'information, elle se précipiterait vers ce dernier dans l'espoir d'arriver avant la fin du cours du professeur.

[Astro Buck]

Alessa ne trouve pas tout de suite l'Amphithéâtre : le Jardin des Plantes est avare en panneaux indicatifs, un certain nombre d'entre eux manque ou présente des inscriptions à demi-effacées. Arpentant le vaste parc, la jeune américaine se rend compte que certaines zones du Jardin des Plantes sont dans un état de délabrement avancé. Les murs de plus d'un bâtiment auraient besoin d'être rafraîchis. Une campagne de rénovation semble d'ailleurs être en cours : des ouvriers travaillent sur le toit de la grande verrière, et des échafaudages sont montés çà et là.

Dans les Jardins, les ménageries sont extrêmement négligées. Elles exhibent, pour la satisfaction de la curiosité populaire, de pauvres animaux apathiques (éléphant, ours, chameaux, chèvres... ) mal nourris, tenus captifs dans des cages sales et trop étroites dont les abris en bois tombent en pourriture. Aux abords d'une cage, Kitty entend quelques fragments de conversation. Un homme outré s'insurge à hauts cris contre cet état de fait :

[PROMENEUR] - Voyez-vous, monsieur, nos savants sont de grands savants, mais ils ont, à mon sens, le tort de n'avoir d'amour que pour ce qui est empaillé, disséqué, desséché et à l'état de squelette. L'animal vivant les intéresse moins. Voilà pourquoi ils mettent les collections inertes dans des palais et les pauvres bêtes dans des taudis.

La jeune paléontologue finit tout de même par trouver ce qu'elle cherche. Le pavillon de l'Amphithéâtre Verniquet :

A l'intérieur, la conférence du professeur Boule fait salle comble. Kitty entre au moment où il énonce sa conclusion à un auditoire charmé, figé dans un silence et une attention quasi religieux :

[Pr. BOULE] - ... l'encéphale de l'homme de la Chapelle-aux-Saints, par sa forme longue, large et surbaissée, se rapproche donc des anthropoïdes actuels. La réduction de la région antérieure des lobes frontaux, la simplicité des circonvolutions et en particulier de la 3° circonvolution frontale dans laquelle Broca a localisé le centre du langage, indiquent une intellectualité peu élevée.

Après un tonnerre d'applaudissement, les admirateurs du professeur forment autour de lui un cercle respectueux, l'abreuvant de questions et de compliments :