Phylem (Se prononce phylème !)
Une taverne malfamée et malodorante, dont les relents de sueur et de bières s'immiscent vicieusement dans vos narines dès la porte franchie, et de surcroît il faut avoir un bon équilibre pour oser s'aventurer plus loin dans les lieux, car le plancher jonché de chopes vides –ou pleines- de bouteilles cassées, et d'hommes ivres n'est pas évident à emprunter, et c'est avec astuce et dextérité que l'on peut atteindre la table de rendez-vous.
-Pourquoi j'ai laissé cette empotée choisir le lieu de la transaction.
C'est en maugréant plusieurs injures qu'Enwë, fier marchand côtier s'avance vers sa cliente.
La cliente : Une jeune petite rousse à la silhouette avenante, un visage émaciée –peut être ne mangeait-elle pas à sa convenance- aux gestes maladroits, et à la coiffure hirsute retenue par quelques épingles ici et là. Elle porte une robe dont les couleurs semblent s'être enfuit, mais au moins elle est propre. Quoi qu'à bien observer, ses mains sont tachées de noir...et en ce moment celles ci s'activent à frotter un morceau de tissus afin de nettoyer la table et chaise, avec une minutie presque dérangeante vue l'état environnant des lieux mal entretenus.
-Bonjour, madem...
S'en lever le nez de sa tâche, la jeune femme coupe Enwë dans son élan
-Phylem suffira. Bonjour
Après un coup d'oeil critique et au final peu convaincu de sa besogne, puis un soupir, Phylem donc, prend place sur l'une des deux chaises- la seule près de l'unique fenêtre de la taverne, remarquera Enwë plus tard en réfléchissant à cet entretient- le marchand s'installe à son tour commandant deux chopes de bières au serveur ventripotent qui s'avance vers lui.
D'abord le silence, puis lorsque le serveur dépose leurs boissons dans un geste dédaigneux sur la table, Enwë prit un sourire enjôleur et une voie mielleuse, car c'est ainsi que le marchant débute ses affaires, c'est donc ainsi qu'il commença :
-Alors, votre commande, charmante demoiselle..elle est prête et dans ce sac que j'ai à mes co...
-Bonjour, je m'appelle Phylem
Enwë hausse un sourcil, tour à tour interrogateur puis inquisiteur, ce qui n'échappe pas à la jeune femme.
-oh, je vous ai déjà dit mon nom, n'est-ce pas ?
-Et bien...Oui, en effet
Un peu déconcerté le marchant n'ose reprendre la parole qu'après une longue gorgée d'alcool âcre qu'on lui avait servit.
Pendant ce temps, Phylem, elle sort une liasse de feuilles d'un pan de sa robe. Enwë plisse les yeux en observant le corps frêle et longiligne de la jeune femme..Comment avait-elle pu planquer une masse aussi imposante.
Elle dépose une bonne moitié de ses feuilles sur la table et range l'autre soigneusement, puis de sa main droite elle fouille de nouveau sa robe, révélant cette fois un minuscule morceau de fusain, avec lequel elle entreprit d'écrire...C'était donc ça les taches noires qui maculent ses mains.
-Vous savez écrire ?
-Oui, pas vous ?
-Heu..un peu
Elle hoche la tête, et lorsqu'elle la relève de nouveau, elle a les yeux écarquillés, sa bouche forme un arrondi parfait sous la stupeur, comme si elle voyait la pièce pour la première fois.
D'ailleurs elle regarde longuement autour d'elle, avant que ses yeux ne se posent sur Enwë qui arbore une moue aussi ahurie que celle de Phylem.
-Qui êtes vous ?
-Heu..Et bien je suis Enwë
-En..Enwë..
Ses lèvres répètent le prénom de nombreuse fois jusqu'à ce qu'elle trouve la feuille où il était inscrit.
-Ah oui ! Enwë ! Je vous ai commandé des fusains
Soupçonneux et légèrement agacé par l'attitude farfelue de la jeune femme, il finit sa bière d'un trait et dépose un sac de cuir sur la table à côté de la chope encore pleine de Phylem.
-A votre place je n'aurais pas bu ce breuvage
-Hein ?
-D'après le nombre de personnes entassées ici, et en conclusions du nombre de tonneaux disponibles qui se trouvent derrière le comptoir, je suppose que le tavernier doit remplir une bonne moitié des chopes par un liquide qui n'est sûrement pas de la bière, sinon il se retrouve vite à sec !
-Que...mais...
-Et puis à votre place encore je n'aurais pas attaché ma bourse à un lien de cuir qui pendouille à la ceinture, il y a des mains bien agiles par ici, d'ailleurs n'avez vous pas sentit comme un poids en moins à votre côté droit ?
-Hein ?!
Enwë un moment coi, se ressaisit et contemple un cordonnet de cuir, enroulé à sa ceinture, dont l'extrémité aurait du soutenir une aumônière de cuir brun contenant plusieurs pièces d'or, hors ce même cordonnet est tranché net, la ficelle ballotte contre sa hanche
-Merde ! Un voleur ! Vous auriez pu me prévenir plus tôt !
-Vous prévenir de quoi ?
-Ben qu'on m'a volé !
-Oh on vous a volé ? Vraiment ? Comment ?
Enwë dévisage Phylem hésitant entre la colère et l'abrutissement. Elle semble réellement ne plus se souvenir de ses propres paroles, il allait opter pour la colère quand la jeune femme parla de nouveau
-Alors pourquoi sommes-nous là ?
-Pour vos saletés de fusains, bon sang ! Essayez de retenir
-Mhumm...Des fusains ?
Elle regarda le ridicule morceau qu'elle tenait en main
-Ah oui en effet il m'en faut !
-Je sais ! C'est pour ça que je suis là !
Enwë perdait patience, il s'en souviendrait de cette transaction, ah ça il s'en souviendrait...
-20 pièces d'or et ils sont à vous, et dépêchez j'ai besoin d'air !
Après une lecture de l'une de ses feuilles, Phylem lui offrit un sourire béat.
-Je lis ici que nous nous sommes mit d'accord pour 10pièces d'or
-Quoi ? N'importe quoi ! Vous oubliez vos propres mots dans la seconde qui suit, et vous voulez me faire croire que vous vous souvenez d'un prix dont nous avons discuté une semaine auparavant, vous rigolez ?!
-C'est vrai je ne m'en souviens pas, ma mémoire est..malade, vous voyez ?
-J'avais remarqué ! C'est donc 20 pièc...
-C'est pour ça que je note tout
Dans un geste vainqueur, presque moqueur d'après Enwë, elle soulève la feuille de papier qu'elle tient en main et la secoue sous le nez du marchand.
-10pièces d'or, c'est marqué
-Mais c'est du vol !
-Non, par contre vous avez remarqué qu'un poinçon a coupé le lien de votre bourse ? Ca c'est du vol
-Je sais vous me l'avez déjà d...
Enwë s'arrête au milieu de sa phrase, un homme ivre vient de lui rouler sur les pieds, un autre à l'haleine immonde le prit par l'épaule en riant, c'en était trop, il fallait qu'il sorte de ce maudit endroit, et surtout qu'il ne recroise plus jamais cette femme qui lui fait perdre la tête.
-Va pour 10 pièces d'or, mais tout de suite !
La main tendue, il attend son dû. Phylem avec cette minutie inébranlable et presque désobligeante face au trépignement du marchand, sortit, toujours de sous un pan de sa robe, le paiement.
Enwë marmonne quelques paroles inaudibles, mais à sa moue irritée, on pouvait aisément comprendre que ses mots étaient peu élogieux, puis il sortit en hâte.
Un peu hagard, Phylem contemple un sac qu'on avait vraisemblablement oublié sur sa table, elle l'ouvre prudemment, et y découvre plusieurs morceaux de fusain avec un sourire ravi
-Chouette ! Justement j'en ai besoin !
Elle regarde autour d'elle se demandant si le propriétaire du sac n'était pas dans le coin, personne ne semble le réclamer, elle conclut donc que c'était le sien, mais comme a son habitude elle l'avait oublié.
Elle se lève et commence à ranger ses feuilles, qu'elle a visiblement sortie pour une raison qui lui échappe, sur l'une d'entre elle on peut y lire :
-Commande de fusain : 20 pièces d'or
Elle penche la tête sur le côté, intriguée, puis d'une main elle triture et compte à voix basse les pièces cachées sous sa robe, il en manque 10 d'après les comptes qu'elle tient sur ses diverses feuilles.
Elle sourit, ravie de cette transaction...Et un instant après en oublia l'existence ...