Je poussais doucement la lourde porte de ta taverne, les pentures crièrent leur souffrance, comme une longue plainte déchirant le silence de l'aurore. L'endroit était calme, comme endormie depuis plusieurs saisons. Un maigre filet de lumière s'insinua alors dans la pauvre masure. J'avais encore en tête le souvenir de la première fois où j'avais pousser la porte de cet établissement.
C'était un soir pluvieux, terme d'une longue journée de de marche sur les sentiers caillouteux de mon errance. Une petite colonne de fumée avait guidée mes pas vers cette "petite" taverne, perdu au milieu de nul part et fréquentée, m'avait-on dit, par quelques marginaux et aventuriers de toutes races. La pluie n'avait cessé de tomber depuis le matin et je ne songeait qu'a me réchauffer au coin d'un feu vif, remplir mon estomac d'un ragout fumant et dormir de mes deux oreilles dans une couche sèche. je quittais donc le sentier, m'enfonçant dans le pays des Vents Sombres et atteint rapidement une petite clairière au milieu de laquelle serpentait un modeste ru. La taverne était là, modeste cabane en rondin, couverte de lauzes, cheminée fumante, promesse de réconfort. Je forçais le pas jusqu'à la porte du refuge, une vieille porte vermoulue qui avait du subir, aux vues des entailles et coup de fer qui la recouvraient, les outrages de quelques haches et épée affûtées portés par des guerriers avinés et frustrés de trouver porte clause. je poussais donc cette lourde porte et un brouhaha presque assourdissant, de rire et de cri, rehausser d'une odeur âcre de fermentation, m'accueillis de plein fouet.
Bien des années avaient passés depuis le jour où j'avais franchit pour la première fois le seuil de cette porte. Ce matin le silence était assourdissant et l'odeur de la bière que Damch brassait lui même dans son arrière cuisine avait laisser place aux relents infectent d'une charogne de chat errant pourrissant au pied de la grande cheminée de pierre. Une épaisse poussière s'était déposé sur les tables et les chaises de la grande salle. Ronces et broussailles avaient forcés les volets pourtant fermé et avaient commencé leur expansion sur le comptoir massif du tavernier disparu. Je fis quelques pas vers l'intérieur de la pièce et m'arrêtais lorsqu'une lame de plancher grinça sous mon poids. Sacré Damch !, jamais il n'avais voulu la refixer, malgré les remarques des clients habitués. Damch était un malin... c'était le meilleur moyen qu'il avait trouvé pour ne pas se faire surprendre lors de ses longues siestes au frais, dans sa cave, entre deux tonneaux.
Ce premier soir, m'avançant de quelques pas dans la grande pièce commune et observant cette assemblée hétéroclite s'égosillant et gesticulant. je fut frappé par la diversité de ceux-ci. Ici un nomade des terres gelées de Pent frappant sa chope contre celle d'un Chevalier des royaume de l'Ouest, là une tablée entière de Nains originaire des montagnes Nidan se disputant joyeusement, le jarret charnu d'une potée héortienne, la encore un Guerrier Kralori engoncé dans son armure d'étain repoussant les avances plus qu'expressives d'une trollesse pourvu d'une magnifique triple poitrine opulente, tout cela sous les rires gras d'un vampire du Marias des Hautes Terres, se délectant d'un sirop de cerise aux reflets vermillon. Mon entrée était resté discrète, personne n'avait fait attention à moi, j'affichais un large sourire, rassuré que j'étais par l'ambiance festive qui régnait dans ce lieu.
Mais ma joie fut de courte durée. Mon pied appuya sur cette maudite et criarde lame de plancher et ... toute l'assemblée se tu... tous ensemble, comme un même homme... et chacun tourna lentement sa tête en ma direction... silencieusement...
Autant j'avais pu être frappé par la chaleur de l'endroit qui me traversa aussi bien le corps que l'âme quand j'avais ouvert la porte. Autant mon corps se figea et mon esprit ce glaça lorsque je du soutenir les regards froids que l'ensemble de l'assemblée me jeta... j'étais rester là, bloqué comme une statue de sel à l'entrée de la pièce... la peur s'était emparé de moi et une sueur froide commença a perler sur mon front. Cet instant me sembla durée une éternité... Un instant je me vis débité en morceau, mitonné quelques heures dans un bouillon épais, judicieusement assaisonné et servit dans un large plat au milieu de pomme de terre, navets et choux blanc...
C'est une légère brise qui me sortit de ma torpeur, un léger courant d'air, comme si le voile de la faucheuse me caressait le visage et toute l'échine...
Puis une voie s'éleva du fond de la salle, comme un râle sortit d'outre-tombe. La peur me glaçait le cerveau et je ne comprenais pas un traitre mot... Mais bien vite les mots claquèrent dans mon esprit :
LA PORTE !!!..... MERDE !!!!
T'ES BOUCHE OU QUOI ????
....
FERME LA PORTE !!! ÇA CAILLE, BORDEL !!!!
OH !!!! T'ES SOURD ????
C'était celui qui semblait être le tenancier des lieux, un tavernier jovial au regard luisant.
LES NUITS SONT LONGUES ET FROIDES CES TEMPS SI !!!!, TES HORMONES ET LA SOLITUDE NE FONT PAS BON MENAGE, MON JEUNE AMI, FAIT ATTENTION, TES OREILLES VONT SECHER ET SE REPENDRE EN POUDRE SUR LE SOL... AH .... AH, AH, AH, AH !!!!!
Toute la salle accompagna le tavernier d'un rire gras et le brouhaha initial repris de plus bel... Dépité, je refermais la lourde porte nerveusement, piqué au vif dans mon honneur. J'avais encore le dos tourné qu'une nouvelle voie plus forte encore résonna dans toute la salle.
MOI JE VEUX BIEN LE RECHAUFFER, CE PETIT GAILLARD !!! IL FAUT SOULAGER SON PAUVRE POIGNET, VA SAVOIR DEPUIS COMBIEN DE TEMPS IL EST TOUT SEUL... ALLEZ !!! VIENS PAR LA MON BIQUET !!!! AH, AH, .... AH, AH, AH, AH !!!!!
Choquer par ces propos et n'osant pas deviner qui pouvait bien les proférer, je m'étais retourner doucement pour découvrir la trollesse, celle que j'avais vu quelques instants avant assaillir le pauvre Kralori, empruntant la pose lassive d'une plantureuse Marilyne, allongée sur une table branlante, bouche en avant et replaçant sans vergogne son cinquième seins dans son trop petit corset...
C'est ce bon tavernier, qui me sorti de cette situation traumatisante, il pris mes affaires, m'installa à une bonne table au coin du feu et me servi un énorme plat de choux farcis au lièvre... une heure plus tard, j'étais repu... de viande, de vin, de chaleur et d'amitié... bien vite je sombrais dans un repos réparateur.
Voilà bien longtemps que notre bon tavernier, n'est pas revenu, allez savoir dans quel tripot ce jovial commerçant a-t'il jeté son dévolu, un vieu pub irlandais, une bodega brésilienne, une cantina mexicaine ????. Ma main effleura le comptoir en châtaignier massif, il me semblait que ce bois noble résonnait encore de l'ambiance de ces longues nuits d'hiver. Frottant un peu plus fort, l'épaisse couche de poussière se déposa sur mes doigts et dévoila l'éclat encore vif du bois tanné par tant de vie, d'éclat, de verre renversés, de coulure de graisse... Au bout du bar un tabouret se dressait encore, toisant l'ensemble de la salle et les chaises couchées, il était droit comme un I au milieu de ce capharnaüm poussièreux... Un verre lui faisait face, fièrement, comme si tous les deux ils attendaient quelqu'un. Le verre sentait encore ce Whiskey de Fonrit à la robe sombre. Au fond du verre s'étalait une masse sombre et gluante, une noie de graisse ...
Je relevais une chaise et m'assis un instant pour contempler ce lieu, charger d'histoire... grande et petite, de grandeur et de décadence.
Charger d'odeur aussi !!! c'est pas tenable !!!... Rapidement je me débarrassait de la dépouille encore grouillante de ce chat qui était venu offrir au plancher de la taverne ses entrailles et son jus!!!
Je tournais de longues minutes en rond au milieu de la salle et bientôt l'envie de respirer un air frais se fit sentir. Je relevais mes manches, ouvrais portes et volets, arrachais ronces et broussailles, attrapais balais et seaux, serpillères et eau fraiche. Cette masure allait retrouver son aspect originel !!! foie de Duncan, ne serait ce que pour une soirée !!!
Le travail semblait titanesque, me je me sentais l'âme d'un Hercule, la journée passa et lorsque le crépuscule et la fraicheur arrivèrent, la taverne était propre et le feu crépitait dans le foyer.
Bien vite je m'installais confortablement, allongé sur un lit de paille fraiche, dans la cave, entre deux tonneaux, n'attendant que le bruit d'une lame de parquet grinçante...