Préface : La chute d'un clan

[Didlith]

Derrière les épais murs du la vieille aile du palais des Ukoo, les rafales de fusil résonnaient, étouffées certes, mais présentes.
Et inexorablement, les sons s'approchaient.

Au sol, les cadavre de cinq humain dégoulinaient encore de sang.

Adossé à la parois se tenait un Lion Blanc fier, grand et large du nom de Kimya.
Malgré une profonde brulure à son flanc, marque d'un tir récent, et sa carrure imposante, une aura de calme et de mélancolie se dégageait de lui.
Arrivant vers les 90 ans il avait acquis la sagesse mais aimait encore les rapports de force.

Son état, bien que grave, semblait lui apporter encore plus de fierté, si il devait mourir, ce serait en combattant, pour l'honneur des clans. En Félys, en Yamita.

Je t'attendais, Mwuaji.

Cette phrase était adressé au jeune Tigre qui venait d'apparaitre de derrière un pan de mur escamotable.

Une accolade fut échangé, brève, mais empreinte du respect et de l'attachement qui liait les deux Félys.

Ces humains sont des mercenaires, un groupe de pirate des contrées limitrophes avec les Shrriii.
Ils sont nouveaux dans le secteur.

D'après les informations que j'ai recueilli et que le Clan m'a transmis, ils ont été engagés par un Clan Félys pour faire tomber le clan Ukoo.
Le Clan en question n'a pas été identifié pour le moment, mais la chute des Ukoo va entrainer des changements politiques, et une régence.
Le Clan restera en éveil pour découvrir les coupables et empêcher la situation de dégénérer.

Mais pour cela, le Clan Ukoo ne doit pas disparaitre.
Je vais tenter de sauver un maximum de monde ici, mais ta tache sera plus importante.

Kimya se diriga vers une petite porte en se tenant la hanche.

Entre, viens.

La pièce n'était pas grande, la chambre d'une servant sans aucun doute.
De derrière un rideau sortit une jeune Felys Lionne, pleine de charme et de tristesse.

Elle regardait le Lion Blanc qui fut son Maitre d'Arme sans crainte mais son regard fut interrogateur lorsqu'il s'attarda sur le jeune Tigre.

Princesse, je vous présente Mwuaji, mon apprenti.

Mwuaji ... Voilà ta protégée. Princesse Shujaa Ukoo, dernière descendant de la lignée Ukoo, héritière des fonctions de son père à la tête du Clan Ukoo et du Conseil de Delnys, tel qu'il est écrit dans son testament et tel que l'autorise la loi.

La phrase rituelle "Légataire du secret" n'avait pas été dites, elle ne savait donc rien du jeune Tigre et de la mission du Kimya.

Vous devez vous éclipsez de ce Palais, personne ne doit savoir que vous étiez présent lors de l'attaque.
Rendez vous chez Tildara, la styliste mondaine au plus vite.

Elle vous fournira des vêtements digne de votre rang Princesse, et de quoi vous forger de nouvelles identités.
En retour, ne lui posez aucune question.

De chez elle, vous vous rendrez au spatioport pour embarquer sur le nouveau vaisseau Telkanien le "Kentak-Teck" dont l'inauguration est aujourd'hui.
Vous devez être vue et reconnue Princesse, le peuple doit savoir que vous êtes en vie. De votre coté vous devez faire croire que vous ne savez pas ce qu'il se passe au palais.
Et vous "devez" partir avec ce vaisseau, ici vous ne seriez pas en sécurité.

Le ton et le voix de Kimya insiste particulièrement sur le mot "devez"

Une fois à bord, vous devrez disparaitre.
Nous vous contacterons quand il sera temps de revenir.

Bonne chance les enfants, je vais vous donner le plus de temps possible, et monopoliser l'attention.

Kimya fait quelques pas vers la porte et se tourne vers les deux jeunes Félys.

Je ne peux pas en être certain, mais je soupçonne que les Félys qui viennent d'investir le bâtiment sous couvert de faire respecter

l'ordre soit en fait là pour finir le travail. Ils sont arrivés trop vite malgré les festivités et l'inauguration.

Après une profonde inspiration il se met à courir, franchit la porte et disparait dans les couloirs.

Un silence profond s'abat sur les deux jeunes Félys livré à eux même.

[Behixene]

Le jeune Yatima haletait en franchissant le pan de mur. Sa course dans les étroits couloirs dissimulés mêlée au stress de la situation l'avait essoufflé. Et la vue de son maître blessé n'arrangea rien.

- Maître ! Laissez moi ...

Mwuaji fût stoppé dans sa marche par l'était du lion, puis il se rapprocha rapidement et étreint son maître blessé. Ses pattes se refermèrent avec une fermeté trahissant une certaine inquiétude pour celui qu'il touchait et aussi pour montrer son désir de prouver sa force d'affranchi. Alors qu'il ouvrait la bouche pour parler, Kimya repris en venant directement au fait. L'armée humaine était visiblement un contingent mercenaire. Nouveau, mais puissant comme l'avait prouvé la réussite de leur assaut. Le jeune tigre se contentait d'hocher la tête régulièrement en signe d'approbation et comme pour graver les informations dans sa mémoire comme on l'y avait entraîné. Finalement, le maître Yatima entraîna Mwuaji dans une pièce attenante. Une superbe jeune lionne les y attendaient. Le Felys reconnu les traits bien connus de la princesse. Saluant respectueusement celle que l'on nommait Shujaa en plaçant son poing droit dans sa main gauche à hauteur de visage, puis en s'inclinant, la princesse avait la réputation d'être une farouche jeune femme, l'apprenti répondit :

- C'est un honneur princesse.

Puis, sans même leur laisser le temps de parler, le maître d'armes reprend son discours en expliquant le plan qui les concernait. Et apparemment, Shujaa ne devait pas entendre parler des Yatima tout de suite. Le maître partit dans les allées du palais, Mwuaji n'ayant eu le temps que de l'apostropher:

- Maître ! ...

L'apprenti se permit d'hésiter un instant en voyant son maître s'éloigner, puis referma la porte derrière lui. D'une profonde inspiration il reprit l'assurance que lui prodiguait son statut secret et lança à Shujaa :

- Princesse. Nous devons partir tout de suite, le temps presse et il nous faut rejoindre la styliste sans tarder. Partons !

Mwuaji avait parlé en entrant dans la pièce par laquelle il était arrivé. Posant la main sur le mécanisme d'ouverture du passage il la regarda :

- Prête ?

Puis, comme un souvenir lui sautant au visage, le jeune tigre regarda autour de lui, cherchant des armes dans la pièce.

- On va avoir besoin de quelques petites choses au cas où.

[Wounded Knee]

Shujaa s'était relevée à l'arrivée de Mwuaji et fut d'abord méfiante, sa main allant même jusqu'à étreindre la crosse de son arme de poing, puis, "prise par surprise", essuya ses yeux humides d'un geste délicat de la main, rassemblant sa dignité avec peine.

La "princesse", titre qui, presque à chaque fois, lui sifflait aux oreilles, resta silencieuse, saluant l'apprenti de Kimya d'un geste simple, vague et hautain. Princesse... Était-ce seulement encore d'actualité, à présent? Lequel de ses frères, laquelle de ses sœurs, devaient finir de se vider de son sang avant que la jeune héritière, et bien, hérite, tout simplement?

En fin de compte, "Princesse", cela lui plaisait, cela voulait dire qu'elle n'était qu'une parmi les Ukoo, non plus la seule. Shujaa ferma les yeux un instant; elle n'était encore que l'héritière, peut-être... Peut-être... Elle inspira profondément.

Et puis Kimya vint à dire que son jeune protégé serait chargé de veiller sur la dernière des Ukoo. L'intéressée rouvrit les yeux et les écarquilla sans discrétion: ce... gamin, veillerait sur elle? Shujaa dévisagea, puis jaugea de haut en bas, le tigre dont il était question, et se dit qu'il eut été parfait dans ce rôle, s'il avait au moins été plus vieux que sa protégée ! Soit Kimya n'avait plus que lui sous la main, soit Mwuaji était un excellent élève. Oh, il ne servait de rien de faire ainsi la difficile ! Shujaa se ressaisit et sourit à Mwuaji, un sourire peut-être un peu plus large qu'elle ne l'aurait voulu, mais il ferait bien l'affaire.

Kimya monopolisa à nouveau l'attention de la princesse, exposant un plan que Shujaa n'imagina même pas discuter; Kimya semblait avoir mémorisé son monologue, et sa connaissance des portes dérobées du palais impliquait qu'il savait ce qu'il faisait. Ses suppositions, quant à elles, était trop chargée de noires conspirations pour que le cœur de Shujaa puissent les accepter à l'heure actuelle, aussi rangea-t-elle les informations dans un coin de son esprit, les étiquetant d'un "A étudier plus tard".

La jeune femme fit mine d'avoir enregistré les directives données, et n'eut que le temps de saluer brièvement son instructeur avant qu'il ne disparaisse à nouveau dans les couloirs et allées du palais. Shujaa rassembla les quelques affaires qu'elle avait traînée avec elle jusqu'ici, laissant Mwuaji s'activer de son côté.

Finalement, tous deux à hauteur du mur escamotable, le tigre en vint à s'inquiéter de leur armement.

Retenant un soupir, mais non une moue lassée, Shujaa sortit de sous la veste qu'elle venait de revêtir, prise dans un placard qui n'avait sans doute plus de propriétaire, une arme de poing d'allure rustique, d'une forme archaïque évoquant ces fameux engins usant de poudre et de projectiles métalliques, mais il s'agissait bel et bien d'une sorte de blaster, simplement, il était stylisé, comme en attestaient aussi les gravures le couvrant. L'héritière fit luire le métal un instant sous la lumière avant de ranger l'objet.

- J'ai laissé une arme d'épaule dans le coin de la pièce, mais il ne lui reste guère que la moitié de ses munitions. Qui plus est... A moins que ces allées secrètes ne nous fassent traverser le palais et ses assaillants, nous ne devrions pas nous encombrer: ne gardons qu'un équipement aisé à dissimuler. Elle fit mine de s'éclaircir la gorge. Comme le vôtre, que je n'ai toujours pas vu... Il y avait un vague mépris aristocratique dans sa voix. Il doit rester une grenade, peut-être deux, dans la ceinture qui traîne là-bas, aussi. Je ne sais plus. Elle était visiblement fatiguée, épuisée même. Partons, au plus vite. Prenez ce qu'il faut, et allons voir Tildara. Je veux m'en aller.

[Behixene]

La remarque dédaigneusement aristocratique de la princesse Felys n'effleura même pas l'ego de Mwuaji, trop habitué à le mettre de côté pour en faire cas. Néanmoins, d'un geste rapide il dégaina de sous sa veste un couteau taillé pour le combat, simple dans son apparence mais visiblement conçu avec soin pour l'affrontement, son autre main, elle, tenait une arme de poing au bout de laquelle était enclenché un dispositif de discrétion, pas de lumière, pas de bruit. Juste la mort. Rengainant ses objets sous ses habits il entra dans le souterrain en conviant la princesse d'en faire de même :

- Maintenant que les présentations sont faites princesse, il nous faut partir. Nous n'avons que trop traîné ici. Tildara doit nous attendre.

Et d'un pas pressé et leste, le jeune tigre s'enfonça dans les coursives secrètes du palais des Ukoo, avançant aussi vite que lui permettait l'étroitesse des couloirs, en direction de la sortie la plus discrète selon lui.

[Wounded Knee]

Shujaa haussa un sourcil dédaigneux à l'adresse de Mwuaji, imitant vaguement la surprise; très "Vous en aviez, alors? Incroyable !". Elle referma sa "nouvelle" veste, et redonna nonchalamment forme à la capuche qui y était cousue, avant d'enfouir ses mains dans les poches du vêtement. La jeune femme sentait l'arme dissimulée dans la poche intérieure peser sur tout son côté.

Malgré ses grands airs, toutefois, il ne fallut pas la convier plus d'une fois à suivre Mwuaji dans le dédale secret du palais et, si fatiguée elle était, elle ne le montrait guère, peut-être plus par soulagement de quitter enfin la scène de mort familiale qu'était devenue le palais que par principe d'aristocrate hautaine.

[Didlith]

Les deux jeunes Félys s'engouffrent dans le passage et referment soigneusement le panneau derrière eux.

A peine ceci fait qu'ils entendent la porte de la chambre qu'il viennent de quitter s'ouvrir dans un grand bruit, il s'en est fallu de peu.
Ils s'enfoncent dans les couloirs sombres.
Autour d'eux, les bruits de combat résonnent, la famille et les garde défendent chèrement leur vie.
Mais les cris de ralliement bien connu de Shujaa se font de plus en plus rare.
De plus en plus souvent, ils sont remplacés par des demande de cessez le feu, souvent suivi de grande salve de tir de blaster.

Shujaa et Mwuaji connaissent bien les passages secrets.
Shujaa pour les avoir longuement pratiqués depuis son plus jeune age, Mwuaji pour les avoir soigneusement étudiés.

En fait de passages secrets, ces couloirs ne sont souvent que des espace entre un meuble et le mur, de petites pièces ou couloirs condamnés, des zones en travaux jamais terminées, vestiges de la guerre.

Mais celui qui les intéressent réellement est un véritable passage dérobé dont le secret est jalousement gardé par la famille du seigneur.

Au grand étonnement de Shujaa, Mwuaji ouvre le panneau dissimulant l'écran de reconnaissance où elle doit entrer son code permettant d'accéder au couloir secret.

Ce passage est prévu justement pour les cas ou une évacuation serait nécessaire et mène soit à un petit hangars ou est garé un speeder rapide, soit dans les égouts quelques rue plus loin.

[Wounded Knee]

A mesure qu'ils cheminaient à travers "le terrain vague intérieur" du palais, un endroit que Shujaa avait nommé ainsi, un jour, alors qu'elle s'imaginait ses ancêtres dans leur enfance faire de ces couloirs inachevés et de ces boudoirs secrets leur terrain de jeu, comme elle l'avait fait lorsqu'elle était encore une fillette, le visage de l'héritière se défit à demi, la peine incommensurable se mêlant mal au stoïcisme que la princesse tentait de conserver. Plus d'une fois, dans un murmure, elle avait répondu à l'un des cris de son Clan par l'une des formules traditionnelles, serrant ensuite les crocs...

Il semblait ne devoir se trouver qu'une seule Ukoo dans ce dernier passage secret, que Mwuaji connaissait trop bien au goût de Shujaa.

Néanmoins, elle n'adressa qu'un regard suspicieux au jeune homme, noirci d'une colère qui ne lui était pas destinée, alors qu'elle se penchait sur l'écran qu'il venait de dévoiler, révélant ainsi qu'il était au fait de certains secrets bien gardés des Ukoo, pour y entrer son code, et ainsi ouvrir l'une des dernières portes sur leur chemin, si pas la dernière...

Tandis que la console primitive gérant les verrous de la porte décryptait le code, s'assurant de sa validité, quelque part, venue du fond de l'esprit de la princesse, une pensée se hasarda, et fit comme une marque profonde en un endroit précis de sa mémoire, ne laissant avant de partir qu'une simple note, incertaine, que Shujaa ne comprit pas, pas encore...

La porte s'ouvrit dans un bruit de pneumatiques archaïques et Shujaa fit un pas en avant. Elle se retourna ensuite brusquement vers Mwuaji, fronçant les sourcils.

- Tildarra, la styliste..., dit-elle, pensive, avec une pointe d'insolence dans la voix, avant d'adoucir le regard qu'elle portait à son jeune gardien, A moins que vous ne connaissiez un raccourci via les égouts, je voudrais prendre le speeder. Et le conduire.

[Behixene]

Le regard de la jeune Felys auraient presque tiré une moue de pitié au Yatima, mais il n'en fut rien. Regardant la porte s'ouvrir et l'a princesse Ukoo s'y enfoncer, il fit quelques pas en direction du passage vers les égouts. Son ton se fit ferme, il connaissait la situation, ce qui ne semblait pas le cas de la jeune femme, qui plus est il était en pleine mission :

- Princesse, le palais est entouré d'un cordon de sécurité et de tout un tas de personnes. Passer par les égouts est la seule possibilité.

Commençant à marcher d'un pas pressé vers le passage en question le Felys laissa échapper un profond soupir, de ces soupirs qui permettent de relâcher temporairement la pression. La situation était critique et il venait de voir en quelques heures son destin basculer complètement et se retrouvait maintenant fraîchement affranchi avec dans les mains le destin d'un des plus puissants clans Felys, et de celui de sa superbe princesse. Il s'arrêta un instant, se retourna vers la jeune femme, à peine plus vieille que lui et rajouta avant de prendre une allure trottante :

- Dépêchons princesse... Le temps presse.

[Wounded Knee]

Shujaa eut un bref soupir en réponse aux paroles de son jeune gardien, un soupir résigné: Mwuaji avait très certainement raison, le chemin des égouts fut-il plus lent que le voyage en speeder, il était de toutes les façons le seul choix acceptable; Shujaa n'avait tout simplement pas l'habitude de passer par la porte de service, et puis, elle se serait bien passée de la puanteur des eaux usées.

De sa démarche gracieuse, quoiqu'un peu alourdie par la tragédie qui pesait à présent sur ses épaules, la princesse se mit à suivre le jeune tigre, prenant soin de le laisser toujours quelques pas en tête, lui qui semblait avoir les idées plus claires.

Mais Shujaa ne pu résister bien longtemps à l'appel de la curiosité et, d'un bond qu'en d'autres circonstances on aurait jugé espiègle, elle se mit à hauteur de Mwuaji. La jeune femme sourit sans trop savoir pourquoi, peut-être était-ce le joli visage de son garde du corps, ou peut-être juste la tension ambiante à laquelle son esprit réagissait, une tension que son inconscient combattait à coups d'euphorie passagère, comme une injection de morphine; chasser la douleur et continuer le combat.

- Dites-moi, Mwuaji, commença-t-elle, suave, seriez-vous... plus proche de ma famille qu'il n'y paraît?

Le sourire de la princesse se fit une fois de plus l'étendard d'une insolence à demi-voilée, sûre de son coup.

- Vous saviez quand et dans quelle direction bifurquer, et vous n'avez pas hésité, pas cherché, lorsque vous avez révélé la console...

[Behixene]

Le jeune Yatima marchait d'un pas décidé et, avouons-le, pressé dans les égouts du palais. Sa mine s'était détendue quand la princesse Ukoo lui avait donné raison sans (trop) rechigner quant à la direction à emprunter. La puanteur des égouts était écœurante, mais le jeune protecteur ne chercha pas à calmer sa respiration en marchant moins vite. Cependant, la jeune princesse vînt le rejoindre en sautillant. Surpris, le tigre haussa les sourcils en regardant la jeune Felys faire. Elle semblait virer du tout au tout, et cela inquiéta quelque peu le Yatima, qui commençait à craindre pour le moral de sa protégée. Néanmoins, le sourire irradiant du somptueux visage de la jeune femme vînt chasser ces pensées et, l'espace d'un instant, le regard de Mwuaji se fixa sur celui troublant de Shujaa. Puis un geste discret mais perceptible montra qu'il sortit d'un éphémère instant de rêverie en entendant la question de la jeune femme. Après tout, il était jeune, et les femmes n'avaient pas été sa première préoccupation jusqu'alors, tout au plus de brèves passades adolescentes. Mais chassant ces futilités de son esprit il répondit d'une voix monotone :

-C'est... Quelque chose de cet acabit. Disons que vous aurez bien deviné que je n'étais pas un membre lambda de votre clan... Et j'ai désormais votre protection comme devoir, et c'est avec honneur que je m'en acquitterais.

Le jeune Felys parut hésiter un instant avant de rajouter d'un ton pressé par la gêne mais avec un sourire insolent répondant à celui de la jeune femme :

- Et avec, j'avoue, un grand plaisir...

[Wounded Knee]

La manière, très révérencieuse, dont Mwuaji avait évoqué l'honneur que constituait pour lui la charge que lui avait assignée son maître, à savoir, veiller sur l'héritière du clan Ukoo, rassura cette dernière malgré la chape d'ombres entourant la personne même de son protecteur; un jeune homme qu'elle n'avait jamais vu au sein de son palais, présenté comme l'apprenti de son maître d'armes, et au courant de plus d'un secret qu'il n'avait en rien l'air destiné à connaître...

Néanmoins, la Félys répondit au compliment qui lui fut fait par un sourire discret.

Un relent fétide plus nauséabond que les précédents arracha Shujaa à ses pensées comme il lui arracha une moue et un geste symbolique de la main dégoûtés. La jeune femme sembla ensuite ne plus prêter attention à la puanteur, abritée derrière une indifférence en fort contraste avec certaines de ses mimiques plus "capricieuses"; sa peine paraissait s'être éclipsée, mais pour combien de temps encore?

Rapidement et inconsciemment, Shujaa se mit au pas de son gardien, suivant le rythme de sa marche dans un réflexe conditionné précis. Elle gardait une main enfoncée dans sa veste, rabattant la capuche sur son visage de l'autre, se disant qu'ainsi apprêtée, elle devait avoir l'air d'une vagabonde sans classe. Son regard se perdait dans la noirceur des couloirs souterrains, allant de l'eau sale aux briques, tuyaux et à l'occasionnel panneau rouillé balisant les tunnels. Elle reprit la parole sur un ton neutre, mais auquel la situation donnait un faux air de nonchalance.

- Qu'abandonnez-vous au profit de votre devoir et de votre honneur ?

La question était sortie d'une seule et claire paroles, sans faiblesse dans la voix.

[Behixene]

La jeune femme s'était contentée de sourire, ce qui donna un peu de satisfaction à Mwuaji. Protéger la jeune femme passait aussi par le fait de la faire se sentir mieux, et à vrai dire, il avait beau être ce qu'il est, il n'en restait pas moins un jeune home, avec un cœur et une certaine sensibilité. La question qui suivit frappa par contre le jeune homme qui parut décontenancé l'espace d'un instant. Ce qu'ils abandonnaient ? A vrai dire, il n'avait jamais vraiment eut la sensation d'abandonner quoi que ce soit. Certes il n'avais pas eut une enfance aussi calme et joyeuse que celles des enfants Felys moyen mais il n'avait pas non plus grandi en vivant un calvaire. Son visage se raffermit en prenant une moue de réflexion, sa patte droite vînt frotter sa joue tandis qu'il laissait échapper d'une voix absente :

- Ce que l'on abandonne ?

Une poignée de minutes s'égrena encore, rythmé par des "hmmmm", quand vînt enfin le moment de la réponse.

-Eh bien.. Comment dire... j'ai toujours vécu de cette manière, j'ai grandit de cette manière, aussi je ne vois pas ce que je pourrait y avoir perdu. Si j'essaie de penser comme quelqu'un... d'autre, je dirais que j'y perd... eh bien... Un peu de liberté peut-être. Quoique, cela semble s'estomper à l'émancipation...

D'un hochement de tête discret le Felys montra qu'il semblait à peu près satisfait de sa réponse. Il ne voulait pas faire passer son clan pour des tortionnaires, surtout que ce n'était absolument pas son avis, mais il sentait que s'il ne donnait pas un os à ronger à sa protégée, elle ne le croirait pas et penserait qu'il fuit la question. Ce qui la pousserait sûrement à le matraquer d'autres interrogations...

[Didlith]

Shujaa n'avait jamais emprunté le chemin passant par les égouts.
C'était sale, ça puait, ça glissait et c'était le genre de situation ou les Félys enviaient les races qui avaient le réflexe de mettre des chaussures.
Il leur faudrait surement des jours pour faire disparaitre l'odeur et les taches de leur fourrure.

Les deux Félys avaient descendu des échelles, esquivés des chutes de boues dont aucun des deux ne voulaient connaitre la provenance.
Mais le chemin était directe, aucun embranchement.

C'était sans doute ce calme apparent qui les avait fait discuter, et peu à peu, leur attention s'en était ressenti.

La chute, brutale et éclaboussante, du corps d'un Félys les ramena à la réalité.
Un second corps, puis un troisième suivirent.
Shujaa reconnu Kayma, une assistante Félys, Al'Exahn d'Hreu un humain responsable des chambres d'invité, et Barniam, son frère ainé.

Là haut, on se débarrassait des cadavres.

[Wounded Knee]

Les boues polluées et les eaux usées de Delnys n'avaient pas semblé incommoder Shujaa plus que cela, quelques grimaces et elle avait laissé ses manières s'éclipser au profit de ce stoïcisme de guerrière qu'elle se plaisait à cultiver, sans compter la conversation qu'elle menait avec Mwuaji qui finissait de la distraire.

Non, ce n'était définitivement pas la crasse qui la faisait bondir à chaque fois qu'un corps tombé éclaboussait les souterrains dans lesquels il était jeté, c'était l'impureté, comme si la vision des siens, de Barniam, sa dépouille balancée dans les égouts aussi nonchalamment que s'il était agit d'ordures, ce déshonneur, s'était matérialisé et mêlé à l'eau sale. C'était cette souillure qui faisait reculer Shujaa.

Pendant quelques instants, la jeune femme resta pétrifiée d'horreur, les yeux écarquillés, incapable de poser son regard sur autre chose que ce cauchemar macabre.

Et pourtant...

Il fallait partir, ignorer cet affront, et se dire que tous seraient vengés, l'honneur du clan rétabli, mais "plus tard" seulement.

Mais Shujaa ne s'en sentait pas la force, elle ne pouvait que retenir tout son être, contenir le débordement chaotique d'émotions noyant son coeur, et elle ne pourrait pas le faire indéfiniment.

La Félys tendit une main en direction de son gardien, tremblante, et lui dit doucement, d'une voix hébétée par l'horreur et la stupeur.

- Mwuaji, emmenez-moi loin d'ici. Je... Il faut que je... que nous partions.

L'autre main de Shujaa était encore enfouie dans sa veste, inerte.

[Behixene]

Le bruit lourd des cadavres avait fait se tendre Mwuaji, mais non, rien de dangereux... Plus maintenant du moins. Visiblement, le carnage au dessus d'eux était terminé, et on faissait disparaitre de la façon la plus déshonorante possible les cadavres de ce qui était un des plus grands clans Felys. Son regard se posa sur les corps et il n'en reconnut qu'un, que Shujaa reconnut elle aussi, celui de son frêre, le jeune homme fixait la jeune femme, attendant sa réaction, il ne pouvait rien faire mais ne devait non plus perdre trop de temps, aussi, quand celle-ci lui tendit la main, il s'approcha d'elle, tendant lentement sa main vers la princesse, pour finalement la poser audacieusement sur l'épaule de la jeune femme, esquissant un sourire qu'il voulait chaleureux, il répondit simplement :

- Allons-y.

Avant d'attraper la main restée tendue de la princesse et de partir d'un pas rapide dans les conduits d'évacuation leur restant à parcourir. L'air frais ne devait plus être très loin désormais.