La première transformation de Tristan

[Khelren]

Tristan la regarde, indécis, et puis son visage se fait plus ferme.

Vous m'avez l'air tout aussi dingue que moi... mais il est trop tard pour reculer.

Tristan sort de la voiture et en profite pour humer l'air frais de cette forêt. Il s'étire et jette un regard aux alentours. Au moins a-t-il quelques heures de liberté devant lui avant qu'on le remmène dans l'asile...

Il se tourne vers elle. Il est prêt à tout entendre.

[Zoorin]

Suis-moi, lance t elle en lui faisant un clin d'œil.

Elle s'enfonce dans les bois aéré et lumineux.

Tristan n'hésite pas vraiment et se met en marche. Il aime cette nature, cette douceur, ces odeurs, la lumière dans les feuilles, la mousse sur les pierres et les souches, les fougères et les petites plantes.
Il apprécie le bruit de ses pas dans les sous bois, le contact lisse ou rugueux des troncs des arbres, le chant des oiseaux.

Au bout de deux minutes, Mlle Sullivan s'arrête. Elle s'assoit sur un tronc d'arbre couché et indique une souche non loin pour que Tristan s'y assoie. Il s'exécute et attend une réponse à ses questions.

Pendant un petit moment, elle ne dit rien, yeux fermés et lumière du soleil sur son visage renversé en arrière, semblant particulièrement apprécier l'endroit.

Puis, avec un merveilleux sourire sur son visage, elle se lève et s'approche lentement de Tristan. Elle pose une main sur la sienne et lui dit doucement :

L'endroit est pur. Viens, je vais te faire revenir d'où tu viens.

[Khelren]

Tristan se laisse guider, à moitié sous le charme du moment et de la jeune femme. En bon Parisien, il est rare qu'il puisse ainsi profiter de la nature, habitué aux gris couloirs de nos rues, vivant sous terre ou dans les cages que nous fabriquons. Et pourtant, ce désir profondément ancré en lui devant la plus petite forêt d'y passer des heures, voire d'y vivre... L'insouciance, si précieuse, sentiment qu'il a connu tellement peu durant sa vie commence à remplir son coeur.

Il la suit. Mais il a peur d'être déçu, comme d'habitude...

[Zoorin]

Et soudain, il est submergé de sensations venues de nulle part. Tout son corps est enserré dans un cocon humide, tiède, fortement odorant. Il ouvre les yeux et ne voit qu'un flou de bleu, de vert et de blanc. Une … force … l'envahit. Une sensation totalement inconnue mais qu'il reconnaît immédiatement. Comme si elle était en lui depuis toujours, et qu'il ne la redécouvrait que maintenant. Une force fougueuse comme un cheval sauvage, furieuse comme une mère qui défend ses petits, puissante à déchirer en deux tout ce qui se dresse devant lui.

Il ne sait pas pourquoi, mais cette sensation lui rappelle brusquement le loup de ses nuits, mais cette vision violent est fugitive.

Tout s'arrête.

Il regarde autour de lui, et voit à nouveau la forêt, les plantes, les souches, mais tout est différent.

Les arbres sont plus hauts, plus fournis, ils irradient une solidité tranquille. Le soleil est absent, remplacé par une lueur jaune dorée qui plonge les lieux dans une ambiance de paix et de sérénité. L'arbre tombé sur lequel s'était assise Sullivan est à nouveau debout, chargé de plantes grimpantes délicates et pleines de fleurs odorantes.

D'ailleurs l'atmosphère est chargée, très chargée de senteurs fortes. Ce mélange puissant le saoule presque. Il regarde autour de lui. Il voit de nombreuses fleurs, beaucoup plus que ce qu'il y avait un instant auparavant. Il ne comprend pas.

Soudain, il remarque que Mlle Sullivan est nue ! Il se regarde, et lui aussi !

[Khelren]

Wow!

Tristan est sous le choc et, un instant de lucidité plus tard, il voile sa nudité, par réflexe. Il était habitué à devoir se mettre nu devant les médecins, mais pas devant des femmes.

Il profite de ses nouvelles sensations même si tout cela lui semble devenir un peu étrange...

[Zoorin]

La jeune femme comprend immédiatement sa gêne, mais ne semble pas avoir la moindre trace de pudeur. Elle s'assoie dans l'herbe et lui dit de s'asseoir.

Tu es dans le monde des esprits ici, Tristan. Tu es dans l'umbra. Et TU fais partie de ce monde. Comme moi. Nous sommes les gardiens de la beauté et de l'équilibre. Nous sommes les enfants de Gaïa, bénie par Luna. L'esprit Lune nous donne la force, la Rage nécessaire pour vaincre et purifier.

Elle désigne de la main le lieu paradisiaque qui les entoure,

Nous nous battons pour que ceci continue à exister.

Elle laisse Tristan profiter du bonheur du lieu, pour qu'il s'imprègne de l'harmonie et de la sérénité.

Vois-tu, en de nombreux endroits, et même en France dans la grande majorité des régions, de tels lieux n'existent plus. Ils ont été anéantis, souillés, viciés.

Elle lève la tête et regarde Tristan avec des yeux déterminés.

Et nous sommes les seuls à pouvoir les défendre, les purifier, les sauver.

[Khelren]

Tristan est émerveillé, et cela faisait bien longtemps que de tels sentiments, aussi purs et aussi simples, n'avaient trouvé l'entrée de son coeur... mais rapidement quelque chose vient obscurcir le tableau.

Attendez!... Dois-je comprendre que je vais devoir protéger tout ça?... Je veux dire: je sais survivre, mais pour le reste...

Il laisse s'exhaler un soupir, la tête basse.

Je ne suis pas sûr d'avoir été béni, ni même de pouvoir me battre.

[Zoorin]

Cher Tristan, tu as en toi la force que nous avons tous, conférée par Luna. Cette force, nous l'appelons la Rage. Elle est en toi et tu en as toujours eu peur. * Tristan lève les yeux, se demandant ce qu'elle veut dire. *

Elle prend une grande inspiration, se lève, et se rassoie juste à côté de Tristan. Puis, elle lui prend une main.

Notre force de guerrier, tu sembles toujours l'avoir combattue. Alors qu'à la majorité d'entre nous, elle est naturelle, instinctive, toi, tu l'as toujours refoulée. Et avec le temps, elle est revenue à la surface, elle est revenue te hanter. C'est le Loup de tes cauchemars.

[Khelren]

Tristan ôte sa main d'un geste brusque.

Le loup?

Son regard est nerveux, presque inquiet. Comment cette chose horrible qui l'a tant de fois harcelé pourrait être une bénédiction. Au fond, il savait bien que ce loup, c'était lui qui le créait, qu'il n'existait pas réellement; les médecins le lui avaient suffisamment répêté...

[Zoorin]

La femme hoche la tête.

J'ai lu ton dossier médical, et j'ai rapidement compris que tes crises venaient d'une première métamorphose traumatisante. * elle lève la main en signe d'apaisement * Oui, tu à bien entendu.

Elle se rapproche de lui avec un sourire angélique. A quatre pattes nue dans l'herbe, elle fait penser à Tristan plus à une bête qu'à une femme. Mais qu'est elle ? Elle semble entendre ses pensées, puisqu'elle reprend :

Toi et moi sommes plus que des humains. Nous avons davantage que la simple capacité d'aller dans le monde des esprits. Nous sommes des être né pour défendre Gaïa. Et pour cela, nous avons hérité de capacités exceptionnelles. Elles nous viennent de notre origine. NOUS sommes des êtres mi-hommes, mi-loup.

Il semble à Tristan que les yeux de la jeune femme prennent une forme et une couleur différente une fraction de seconde, accentuant le choc de la nouvelle.

Des loups-garous !

[Khelren]

NOOOOOOOOOONNNNN!

Vous mentez!

Tristan se recroqueville sur lui-même et commence à se balancer d'avant en arrière, comme dans une sorte de catatonie.

Les loups-garous n'existent pas. Ils n'existent pas. Et il n'en est pas un. C'est pire que ce qu'il croyait. Pire. Accepter d'être cette ... créature... non. La folie, il s'était habitué à cette idée, mais pas au fait d'être le monstre. Il ne l'aurait pas créé, il serait le monstre?

Il ne laisse échapper qu'un murmure de temps en temps:

C'est juste pour me tester. Pour savoir si je suis fou ou pas. Mais je le suis pas. Non. Je le suis pas.

[Zoorin]

Tristan !

La voix a claqué, autoritaire et tranchante. Ce dernier cesse net et regarde la femme.

Elle se lève d'un bond, le visage métamorphosé. Il n'y lit plus la douceur et la compassion, comme il y a une seconde, mais la force et la violence.

Tu es en train de contenir ta Rage ! Voilà ce qui te bloque. Ressent ce qui fait partie de toi-même et que tu ne veux pas écouter. Laisse tes bras vibrer ! Laisse tes muscles se contracter ! Laisse ton ventre se dénouer ! Laisse tes poumons exploser !

Debout, hurlante, le visage fou, elle fait peur à Tristan. Il recule un peu. Ses mains tremblent, ses jambes tremblent. Il ne contrôle plus très bien son corps. Il ne comprend plus très bien ce qu'elle lui crie, ce qu'il entend.

Laisse ta Rage exploser !!!

[Khelren]

D'a... D'accord...

Mais elle lui fait trop peur pour qu'il puisse ressentir autre chose que de la peur.

Il regarde autour de lui, pour trouver une sortie, un moyen de fuir.

Il espère se réveiller. Ce cauchemar est pire que ce qu'il a jamais connu jusqu'alors.

En fait... en fait, elle est un Loup, elle aussi. Comme le monstre. Elle est différente mais c'est sa folie qui parle. Donc tout va bien. Tout ça n'est pas réel. Elle ne lui fera rien, comme l'autre Loup. Elle va partir s'il ferme les yeux.

Il les plisse de toutes ses forces.

[Zoorin]

Un hurlement sauvage le fait sursauter. Il lève la tête et voit la jeune femme lever les bras au ciel … et se transformer. Elle grandit, son corps grossit, ses muscles se dilatent, sa peau se recouvre d'un duvet, puis d'une légère fourrure ocre. Ses mains acquièrent des griffes, sa tête se transforme en tête de loup.

La panique, la peur, peur absolue prend Tristan aux tripes. Tout son corps lui dit que c'est réel, qu'elle va le tuer. Son esprit fonctionne à cent à l'heure, lui hurlant de fuir, de tout faire pour fuir.

[Khelren]

Au début, il croit, plutôt il sait qu'il ne va pas pouvoir bouger. Que ses jambes vont être paralysées par la peur.

Mais son instinct de survie est très développé. C'est ce qui fait qu'aujourd'hui il est encore en vie, après toutes ces années de déchéance. Si son esprit est incapable de faire quoi que ce soit, ce n'est pas le cas de son corps.

Il se met à courir. Ca il sait faire. Courir aussi vite que possible. Etre aussi léger que possible, à peine toucher le sol, comme s'il volait. Se concentrer sur un point lointain et y mettre toute sa volonté. Tristan puise dans ses forces intérieures et peu importe la griffure du sol sur ses pieds. Il évite les branches, il saute par-dessus les racines des arbres. Il y met tout son coeur, toute son âme. Il a soif de vivre. De survivre. C'est ça sa rage. La rage de vivre...