Une visite touristique et féérique

[Zoorin]

Blornic quitte Esteban après avoir dîné. Il lui souhaite une bonne nuit, lui recommande bien de ne pas utiliser ses pouvoirs fatigué et lui annonce que le lendemain, il va lui faire visiter plusieurs lieux enchantés.

Après des rêves fabuleux, le jeune changelin se réveille.

[ESTEBAN]

En prenant son petit déjeuner, Esteban se rappelle sa journée de la veille, éprouvante mais aussi inoubliable. Il se surprend à sourire, ce qui est très rare le matin ou plutôt cela ne lui était pas arrivé depuis longtemps. Il se prépare avec entrain puis pose quelques fruits et de la boisson sur la table du salon afin d'accueillir Blornic.

Puis il s'installe dans son canapé et feuillette ses photos en attendant son arrivée.

[Zoorin]

Blornic arrive vers 11 heure, en tenue touristique (shorts anglais, marcel et petite veste fatiguée, banane à la ceinture) avec un appareil photo et un sac à dos.

Après s'être salué, Blornic explique :

Nous allons dans des endroits fréquentés par les fées uniquement de nuit d'habitude. Donc pour éviter tout problème, nous allons nous faire passer pour des touristes.

Posant son appareil photo sur la table, il continue :

Par ailleurs, je ne me suis jamais intéressé à la photo en tant que forme d'Art. Comme j'ai la chance de tomber sur un professionnel, je ne vais pas me priver de tes conseils. * air et voix façon gangster menaçant (pas crédible) * Ce sera info contre info, en alternance, et je veux du bon, du vrai, du lourd. A la moindre entourloupe, * le pouce contre la gorge * couic !

[ESTEBAN]

*avec une voix chaloupé et grave* :

Pas de problème, Max, mais attention, la photographie ne s'adresse pas à n'importe quel lascard, alors je compte sur toi pour être un peu .... imaginatif !

[Zoorin]

Imaginatif, ça va. Mais comme tout Art, il faut une certaine maîtrise technique avant de pouvoir exploiter ses idées. C'est là où tu interviens. On y va ? Tu prends des choses ? On va passer la journée à marcher.

[ESTEBAN]

Ok, pas de problème chef, je suis prêt !!!

[Zoorin]

Les deux changelins sortent donc et commencent par prendre le métro. En chemin, Blornic fait remarquer à Esteban plein de détail de la vie quotidienne qui, en dénotant, en tranchent avec la morosité ambiante apportent un peu de surprise, de chaleur, de glamour.

Ils arrivent bientôt à la place Saint – Michel, et ils s'enfoncent dans le quartier latin. Après quelques tour et détour dans des dédalles de ruelles, ils arrivent devant une boutique de Bandes dessinées étrange, nommée "La Comète de Carthage".

Dans la devanture trônent un grand nombre d'album dont Esteban n'a jamais entendu parlé, et des ouvrages qui, manifestement, sont des raretés, des tirages spéciaux, des livres expérimentaux ou des pièces de collection.

Blornic pousse le jeune homme du coude en lui demandant :

Alors, t'en penses quoi à première vue ?

[ESTEBAN]

Super intéressant, dis-moi ! Tu connais ces auteurs ?

[Zoorin]

Non, assez peu. Je ne m'intéresse pas beaucoup à la bande dessinées. Mais les personnes qui tiennent les lieux sont, eux, fascinant. * pousse la porte, qui a du mal à s'ouvrir * Bien sûr, ce sont des nôtres, mais s'il y a des clients, fais attention à ce que tu dis.

Esteban suit son compagnon et entre dans une toute petit boutique bien pleine de BD un peu partout. Sur la gauche, de grandes pochettes contiennent des affiches et des reproductions. Juste devant l'entrée, un bas en descente présente les nouveautés. Un peu partout, des casiers de différentes dimensions contiennent des bandes dessinées de tous types, de toutes tailles et de toutes provenances.

Sur les murs libres (il n'y en a pas beaucoup), des affiches et des posters présentent des dessins étranges et souvent expérimentaux.

Juste à l'entrée, sur la droite, un escalier étroit descend vers ce qui est indiqué comme une salle d'exposition.

Un homme d'une trentaine d'année est assis sur un escalier au fond, en train de lire des papiers. Il lève la tête alors que Blornic va vers lui et sans se lever lui tend une main que le changelin serre vigoureusement.

[ESTEBAN]

Esteban écarquille les yeux en essayant de tout inspecter dans les moindres détails. Ce lieu lui fait penser à une caverne d'ali baba où de nombreux petits trésors se dévoilent à celui qui sait bien observer. Ses mains lui démangent car de nombreux recoins pourraient être immortalisés sur une pellicule.

Il suit Blornic puis les yeux pétillants, salut le gérant de cette boutique.

Bonjour, je m'appelle Esteban * regardant à droite, à gauche *, cet endroit est magnifique !

[Zoorin]

Le gérant hoche de la tête en signe d'assentiment avant de jeter un regard en coin à Blornic, qui s'empresse de faire les présentations.

Il est un changelin, qui vient de faire sa chrysalide. Esteban, je te présente Romain Domenec. C'est un sacré boggan, dont la curiosité frise l'obsession et qui se démène comme un diable pour faire connaître des auteurs amateurs et créatifs.

Romain est grand et fin, vêtu de manière assez banale, et a un comportement très nonchalant. Il ne sourit pas, et semble toujours très calme, limite mou.

Il pose ses papiers sur les marches d'escaliers qui lui servent de siège et demande :

Vous avez prêté allégeance à une cour, déjà ?

Blornic se crispe et grimace un sourire :

Non, non, je ne l'ai pas encore averti sur la politique, il est déjà assez perturbé par toutes ses découvertes. Il sera toujours temps dans quelques jours de parler de ça. On vient juste pour visiter tes expositions en bas. C'est toujours Cyril Kroezgrieg ?

Romain hoche la tête et d'une main, indique l'escalier et dit simplement :

Oui, allez donc voir.

Blornic semble un peu gêné et dit rapidement :

Oui, on y va. Tu viens Esteban, c'est fabuleux en bas. * tire le bras d'Esteban * On remonte tout à l'heure causer un peu.

Sans rien dire, Romain fait un signe de main à Blornic, qu'Esteban ne sait pas trop comment interpréter.

[ESTEBAN]

Esteban est assez surpris de voir Blornic dans cet état. Il le regarde fixement et lui demande doucement en haussant les sourcils :

Ca va Blornic, Que t'arrive-t-il ? C'est si dérangeant de mm ... prêter allégeance à une .... cour ?

[Zoorin]

Tout en descendant l'escalier de bois raide, Blornic murmure :

Non, non. Enfin, seulement pour ceux qui y attachent trop d'importance. C'est compliqué, je t'expliquerai ça en détail plus tard.

Esteban n'a pas le temps de dire quoi que ce soit qu'il arrive en bas et est soufflé. Le bas est une salle basse de plafond toute en bois (sol, mur et plafond) de petite taille. Éclairée par quatre lampes de chevet rougeoyantes, elle est presque vide de meuble.

A l'entrée, un panonceau indique : "La mort des autres est une souffrance : Cyril Kroezgrieg - 2005". Sur les murs, de grands morceaux de papiers noirs portent des dessins à la craie blanche ou colorées, mais le plus souvent blanche. Ces dessins sont en fait de petites planches de BD narrant des histoires courtes en quelques cases. Les dessins sont précis et épais, très travaillés. Le tout donne une ambiance sombre, ténébreuse, triste.

Il y a quelques chaises ou tabourets, dont apparemment la seule fonction est de permettre de s'asseoir devant un dessin.

Cette pièce est déjà inhabituelle, ce qui provoque un émotion indéfinissable à Esteban. Mais il sent nettement autre chose. Quelques chose de fort et de familier. A la fois proche de ce qu'il a ressenti en utilisant le Songe, mais différent. Comme si les rêves employés étaient radicalement différents.

Blornic observe Esteban et lui dit simplement :

Observe et surtout baigne toi dans l'ambiance du lieu. Essaie de t'y accorder.

[ESTEBAN]

D'accord, j'essaie ... mais je ne sais pas pourquoi, je ne me sens pas du tout à l'aise dans cet endroit.

Esteban s'approche de la première BD et commence à la lire ...

[Zoorin]

Les planches content de courtes histoires de décès. Elles s'attachent surtout à montrer comment des personnes proches des défunts ressentent cette perte et comment leurs pensées sont décousues, défaites, à la dérive.

Le style n'est pas toujours réaliste, mais une vraie force et des émotions se dégagent des dessins. Le noir et blanc dominant, les touches de couleur, la violence de certaines cases donnent une vie très forte aux histoires.

L'auteur a certainement du beaucoup souffrir pour avoir une telle sincérité dans ses planches.

Esteban ressent puissamment la souffrance qui se dégage des histoires. Il lui semble entendre les sanglots, voir les poitrine se soulever sous les hoquets, sentir un contact avec les pensées morbides et désespérées des personnages. Il se sent rapidement envahi par les émotions et incapable de leur résister.