Après la fête, un nouveau monde se découvre ...

[ESTEBAN]

Un peu embrumé mais ca va, merci. D'ailleurs ca ne pourrait pas aller mieux car j'ai la chance d'être coucounné... vraiment je te remercie... depuis que j'ai volontairement quitter ma famille, je n'avais encore jamais ressenti cette impression de bien-être et de détente. D'ailleurs, je ne ressentais ceci qu'en présence de ma grand-mère.

Esteban fouille alors dans sa poche puis en sort une petite photo vieillie par le temps et par l'usure. Sur cette photo figure un portait souriant de sa grand-mère.

C'est mon seul petit bonheur et j'aime me ressourcer en la regardant. J'ai alors l'impression de me retrouver de nouveau dans ses bras, bienheureux... c'est toujours un grand moment de calme très agréable. Elle seule semblait me comprendre et sa disparition aurait été terrible si je n'avais pas conservé cette petite photo que j'ai pris d'elle.

Il fixe un moment ce portrait fétiche puis le tend à Blornic.

Qu'en pensez-vous ? Charmant non ?

[Zoorin]

Tient ! Un trésor.

La mine de l'homme roux est surprise, mais agréablement. Il tend la main pour se saisir de la photographie, hésite, puis se reprend.

Vous devriez le conservez précieusement. Ceci est ce que l'on appelle un Trésor, un vrai Trésor. Il est chargé de votre glamour et pourra vous sauver un jour de la banalité. Mais il sera, alors, complètement perdu.

Il va chercher une chaise pour s'asseoir entre le fauteuil d'Esteban et la table, et revient avec le café, deux tasses, du sucre et deux cuillères, le tout entassé et en équilibre précaire. Par miracle, il ne fait rien tomber.

[ESTEBAN]

Merci encore pour le café. Je crois qu'une fois une bonne tasse avalée, je serais prêt à vous écouter.

Esteban saisi la tasse de café chaud à pleine main et déguste lentement cet agréable breuvage.

Je pense que j'ai beaucoup de chose à apprendre, car je vais de surprise en surprise. Pourriez-vous m'éclairer un peu plus sur le glamour, la banalité et les principes de base de survie en ce monde hostile ?

[Zoorin]

Tout ceci est complexe ; et merveilleux. Pour en revenir à l'origine de tout, nous ; toi, moi, ton amie, sommes des réincarnations de fées, d'esprits du Songe. Tu ne t'en souviens pas encore, mais tu verras, tu auras toi aussi ses sensations qui te reviendrons et te prendrons à la gorge, venues du fond des âges.

Devant l'air perplexe, mais attentif d'Esteban, il se met à bafouiller et se reprend avec un geste prudent :

Ceci étant, je ne suis pas le plus instruit de ces choses là. Si elles te passionnent, je connais plusieurs sages qui pourront te parler de cela bien mieux que moi. Saches juste que lorsqu'un changelin meurt, sa face spirituelle, je ne sais pas trop comment l'appeler, erre un moment dans les Songes avant de se réincarner dans un bébé, perdant sa mémoire dans le processus.

Il se lève et retourne se servir un café. De la cuisine, il reprend :

Mais tout ceci n'a pas beaucoup d'importance pour ta vie actuelle. Tu es un changelin, c'est à dire un être connecté à ce que nous nommons le Songe. * tout en revenant s'assoir * C'est une force, un lieu et un concept tout à la fois. Il s'agit de la réunion de tous les rêves des humains depuis la nuit des temps. Nous sommes les gardiens et les serviteurs de cette .. force. Nous sommes capable de la sentir, de sentir son absence, de la manipuler, de l'utiliser. Nous en sommes issu et à notre mort, nous retournons à elle.

Le Songe …

Il reste un moment à rêvasser, avant de continuer :

Nous luttons contre l'abandon par la masse des humains de leurs rêves, car c'est ce qui est en train d'arriver. De plus en plus, des humains abandonnent leurs rêveries, leurs illusions, leurs fantasmes, leurs passions, leur innocence. Et le Songe s'affaiblit. Une autre force s'oppose à lui, même si le mot force n'est pas adéquat. C'est plutôt un acide, une pourriture qui ronge : la Banalité.
Tout ce qui, dans la civilisation humaine, détruit le Songe fait partie de cette .. entité. La Banalité.

Esteban se souvient du regard du balayeur, et de la violence de la douleur qu'il avait ressenti du fait de ce simple regard. Il commence à comprendre.

[ESTEBAN]

Tout ce qui est dans notre civilisation... Est-ce que, par exemple, mes appareils photos, peuvent par leur mécanisme, être aussi à l'origine de l'affaiblissement du songe ?

[Zoorin]

Oui et non. Le Songe vient des hommes, pas des choses. Seuls les homme rêvent, méditent ou imaginent. On peut utiliser la photographie de manière très banale, comme la grande majorité des touristes parisiens, ou de manière extrêmement Glamour, comme toi.

Avec ses derniers mots, le ton de Blornic devient doux et délicat. Esteban sent une sorte de confiance, de reconnaissance de la part de son interlocuteur. Il se sent à l'aise ici, et il a dû regarder les clichés qui parsèment l'appartement. Blornic le juge proche de lui-même, à cause de ses photos.

Toi, tu produis beaucoup de glamour. Ta capacité au rêve fait de toi un changelin très précieux par les temps qui courent. Tu as un potentiel fabuleux.

[ESTEBAN]

Esteban rougit et se sent gêné au plus profond de lui même. Peu de personnes partage sa vision de la photigraphie et cela lui fait chaud au coeur de savoir que son travail est finalement de qualité.

Bon si je comprends bien, il faut aider les gens à rêver. Il faudrai alors que j'arrive à me faire connaître pour publier mes photos et offrir aux gens des moments plus glamour. Je pourrai ainsi, les aider à sortir un peu de leur quotidien banal.

Eh bien, c'est une grande entreprise. effectivement ca doit être difficile !

[Zoorin]

Blornic sourit de la vivacité d'Esteban. Il a vraiment l'air d'être une personne expérimentée, qui a connu beaucoup de monde dans sa vie, et beaucoup de jeunes changelins.

En théorie, oui, mais tu verras que c'est plus que difficile. * son ton devient récitatif, comme s'il parlait d'une histoire connue de tous mais donnée encore une fois comme exemple * Tu montes un projet, il se met en place et touche mille personnes. Sur les mille, cinq cents ne sont tout simplement pas sensible, car trop engoncées dans leur quotidien, dans leurs à-priori. Quatre cents sont touchés, mais de manière superficielles, et cela ne reste pas. Avec eux, il faut tout recommencer perpétuellement. Cinquante sont parfaitement réfractaires, le glamour n'a aucune prise sur eux et ils sont capables de détruire les plus belles choses par leur simple présence. Quarante sont des réceptifs qui s'ignorent, et qu'il est difficile de repérer de la masse des amorphes. Et les dix derniers, tu les repèrent, ils sont touchés par tes œuvres, ils reçoivent et donnent du glamour en échange. Ceux-là, tu les préserves un moment, et beaucoup sombres tout de même un jour ou l'autre.

Il s'arrête, la voix devenue fluette, les épaules baissées, les sourcils pendants et donnant réellement l'impression d'avoir été vaincu dix fois dans sa vie, tout en étant toujours vivant.

D'une voix faible, il finit :

Je ne suis pas optimiste, mais c'est vraiment la réalité. Si tu veux ne pas devenir fou face à cet immense gâchis, il va falloir que tu fasses comme nous, que tu vives en partie avec nous.

[ESTEBAN]

Esteban se met à réfléchir intérieurement puis d'un ton décidé, il dit :

Vous savez, je crois que je n'étais de toute façon pas destiné à vivre dans ce monde ingras. Depuis mon enfance, les seules personnes avec lesquelles je me suis vraiment entendu c'est ma grand-mère et Ilona.

J'ai quitté mes parents dès que j'ai pu car je ne supportait ni leur façon d'organiser leur vie, ni la vie qu'ils me prédestinaient. Paris, c'était en fait, un lieu suffisamment éloigné pour ne pas être dérangé par eux. C'était aussi pour moi, un espoir de pouvoir transformer ma passion en métier mais ... j'ai vite déchanté. Les études de photographies ne sont pas l'amour de la photographie. Beaucoup de technique et très peu de feeling... des horaires imposés, des cours parfois très banals mais obligatoires... et puis d'autres étudiants très imbuts de leur personne et toujours prêts à vous casser le moral.

Finalement, je crois que ma rencontre avec vous est la meilleure chose qu'il pouvait m'arriver. Je suis prêt à vous suivre et à mettre mes talents au service du roi Yvain et de la cour. Expliquez-moi ce que je peux faire et vous verrez, je vous surprendrai !!

Esteban se surpris lui même, il était à présent debout et brandissait sa tasse de café comme une épée triomphale. Il se mit à rougir puis se rassit sur son fauteuil. C'était la première fois de sa vie qu'il se sentait utile et qu'il avait envie de dépenser son énergie à une cause fabuleuse.

[Zoorin]

Blornic est encore une fois surpris par la réaction d'Esteban. Il semble être quelqu'un de plutôt tranquille et posé, les interventions du jeune changelin le déconcertant un peu. Ceci étant, sans se départir de son flegme, il reprend :

C'est très sympathiquement proposé. Le Roi acceptera certainement. Mais nous avons le temps pour cela. La première chose que tu as à faire, c'est d'apprendre à utiliser tes dons. Car tout changelin, parce qu'il est lié au Songe, peut le manipuler et en obtenir des effets enchantés. Et un changelin sans ses Arts est amputé. Il faut que tu apprennes à manipuler les Charmes. Ces effets sont différents pour chacun d'entre nous, mais il y a des catégories d'enchantements qui nous permettent de reconnaître et de regrouper les Arts du Glamour.

Il se lève et dit à Esteban de le faire. Son visage est très sérieux tout d'un coup.

Pour utiliser la force du Songe, tu dois te connecter à lui, le faire venir en toi, et associer par la seule force de ta volonté la réalité que tu veux modifier et un rêve appartenant au Songe qui est adapté à ce que tu veux faire. Donc tout d'abord, tu dois sentir le glamour.

Il passe doucement les mains sur le visage d'Esteban, lui fermant les yeux.

Penses à un événement particulièrement merveilleux, qui soit lié à ta vie quotidienne, mais qui soit incroyable. Ensuite, imagines le en rêve, et ensuite, par la force de ton vouloir, exprimes le dans la réalité !

[ESTEBAN]

Un évènement extraordinaire...dans ma vie quotidienne...rien que l'association des deux idées est antinomique !!

Esteban jette un regard embêté à Blornic mais ce dernier semble vraiment très décidé.

Bon, alors....

Il se concentre donc et passe en revue de nombreux moments de sa vie quotidienne. Son appartement le matin, ses trajets pour se rendre à la faculté, ses collègues et les lieux qu'ils ont visités lors des différentes séances photos obligatoires... (il soupire et son visage s'assombrit)... maintenant qu'il a les yeux ouverts sur une autre facette de la vie, il se rend compte comment sa vie était devenue plus que banale et abrutissante.

Puis il cherche à nouveau dans ses souvenirs...et soudain...une petite lueur. Peut-être n'était il pas si abruti qu'il le pensait. (Son visage soudain se détend) Depuis ses débuts à l'école de photographie, il avait pris l'habitude de rater certains cours volontairement. En fait, au moins une fois par semaine, lorsque les conditions climatiques étaient réunies, il avait pris l'habitude de se rendre, très tôt le matin, juste avant le lever du soleil, au bord de la Seine dans un quartier très vieux de Paris.

En y réflechissant bien, il ne savait même pas le nom de ce quartier... il l'avait découvert un matin alors qu'il s'était éclipsé d'une soirée très ennuyeuse organisée par ses collègues. Il avait tout de même tenu toute la nuit puis alors que tout le monde dormait, il avait décidé de rentrer tout seul, à pied. Il avait erré un bon moment dans Paris car cela ne faisait qu'un mois qu'il était arrivé et, sans plan ni repère, Paris c'est très vaste.

Il était arrivé devant la Seine juste au moment où le soleil commençait à pointer son nez. Par réflexe, il sortit son appareil photo puis commença à se concentrer sur les jeux de lumière qui se dégageaient de cet instant. Sur son vieil appareil, la veille, il avait installé un nouveau filtre, assez spécial qu'il avait trouvé aux puces. Nombreux avaient été les rires et les moqueries des autres : "Ah encore un bout de ferraille récupéré dans une poubelle !"

A ce moment là, la scène devint féérique : le soleil se paraît de nombreuses teintes vertes très douces et accueillantes, comme un immense pré vert au printemps, tandis que l'eau de la Seine se paraît d'un pourpre royal et intense. Il était resté subjugué...

Alors qu'il repensait à tout cela, Esteban revécu cette scène souvent recherchée et senti la chaleur de cet instant fabuleux remonter en lui.

[Zoorin]

Blornic lui dit doucement :

Bien, bien, garde les yeux fermés, concentres toi sur les impressions que tu as, pour les conserver avec toi. Elles sont la force, la puissance du Songe, que tu vas pouvoir utilisé pour déployer ton glamour. Je ne sais pas ce à quoi tu as pensé, mais tu as mobiliser la force des charmes, mais sans l'utiliser. Restes bien dans cet état d'esprit, hein ? !

Mais maintenant, imagines-toi ici, dans ton appartement, et imagine qu'il soit enchanté d'une certaine manière, qu'il arrive n'importe quoi en rapport avec ce que tu as retrouvé dans le Songe. Ensuite, plonge dans la force que tu as mobilisé et déploie ton glamour !

[ESTEBAN]

Les paroles de Blornic restent très floues pour Esteban. Il l'écoute mais d'une seule oreille comme si la voix qu'il entendait faisait partie de son rêve. Il s'imagine ensuite faire demi-tour et tourner ainsi le dos à la Seine, puis il pousse une porte et se retrouve ici, dans ce fauteuil.

Il essaye de garder en mémoire et en sensations, les impressions transmises par ces jeux de lumière... il lève alors les yeux et regarde autour de lui...

[Zoorin]

La Seine, ce matin, est rayonnante. La matinée étant avancée, l'air est doux et les cris des gamins qui jouent non loin cachent de temps à autre le ronronnement des voitures. Esteban est assis dans son fauteuil. Il est toujours emmitouflé dans sa couverture. Il regarde autour de lui. Il est derrière un arbre sur la berge, dans un renfoncement. Ses pieds reposent sur de la terre.

Il est sur les bords de Seine.

[ESTEBAN]

Esteban est stupéfait. Son coeur s'accélère devant cette immense surprise. Il a l'impression de perdre la tête. Il reste un moment immobile puis se risque à tourner la tête à la recherche de Blornic.