Rencontre avec la Corneille Grise

[Zoorin]

Corneille Grise siffle et étend son aile valide. Au contact, le décalage se fait presque instantanément, et Nikolaï se retrouve dans la chambre de Lucie. Il n'y prend pas garde, mais l'ambiance de la pièce a changé, elle est purifiée.

Mais toute son attention est portée sur Tête-de-Plumes. Il saigne de deux blessures profondes, une au bras, qui lui a brisé l'épaule en plusieurs morceaux, et l'autre au flanc. Inconscient, il commence à devenir livide à cause des hémorragies.

Jetant un coup d'oeil autour de lui, il constate avec soulagement que Lucie et Milla ne son pas là. Ce n'est pas un spectacle pour sa "fille". Il les entend dans la cuisine, sans percevoir ce qu'elle disent.

[Blackwolf]

Nikolaï avise un matelas et y dépose son protégé avant de se diriger vers un placard encastré dans le mur de droite. Il y farfouille un instant et y trouve de quoi s'habiller. Après une longue réflexion il décide de s'habiller de façon à se qu'on le remarque et qu'on l'évite. Il prend un jean noir usé, un t-shirt noir sans inscriptions et un vieux blouson en cuir un peu déchiré par endroit. Il garde ses rangers et rajoute à ses vêtements un couteau militaire avec une lame normale et son opposée dentelée.

Il sort aussi une grosse couverture afin d'envelopper Tête-de-plumes à l'intérieur. Il le prend dans ses bras et se dirige vers la porte. Il traverse rapidement le salon sans jeter un regard à sa petite famille. Il arrive enfin dans la rue. Heureusement il n'y a pas grand monde à cette heure ci. Il se dirige donc d'un pas déterminé en direction de Vincennes, le coeur battant dans une frénésie cardiaque qui dissimule à ses sens le faible battement du coeur de son frère, presque imperceptible au milieu de son corps détruit.

[Zoorin]

Dans la rue, tout le monde se retourne pour voir un gars hagard qui porte manifestement un homme dans une couverture. De plus, il habite loin de Vincennes et à pied, il n'arrivera pas avant une petite heure.

[Blackwolf]

Nikolaï traverse à grand pas le grand parc obscur, cherchant la piste suivie la nuit dernière il finit par retrouver son chemin et ne tarde pas à apercevoir la vieille barraque près du caern.

[Zoorin]

Nikolaï arrive sur la deuxième île en évitant autant que possible les regards curieux des promeneurs. En effet, le saignement de l'ancien s'est poursuivi et une partie de la couverture est à présent rougie. Il traverse rapidement le pont et s'arrête devant la grille. De l'autre côté, deux femmes discutent avec une forme dans un buisson. Soudain, manifestement prévenue, elle se retournent et voient l'arrivant.

L'une d'elle a le visage rond et potelé, elle porte des tresses et une robe colorée. Elle semble très anxieuse et nerveuse. Elle est accompagnée par son exact opposée. Une femme d'âge mûr, les cheveux en chignon et portant un tailleur gris strict et une mallette chic. Son visage est neutre, montrant un grand calme.

La première se précipite pour ouvrir la grille et demande, fixant la couverture sanguinolente :

Vous êtes Nikolaï ? Vous amenez Tête-de-Plumes ?

[Blackwolf]

Nik aspira une goulée d'air, il sentait une grande lassitude envahir son corps. Il se redonna un coup de fouet en pensant à sa mission plus que vitale et hocha la tête avant de répondre d'une voix rauque manquant de souffle.

C'est bien moi qui porte notre frère blessé, j'espère, vers la vie.

Dévoilant légèrement un des deux bouts de la couverture, le visage de Tête-de-plumes apparaît. Il semble comme endormi mais déjà l'ombre de la mort pèse sur lui.

Il est très faible... Il paraît serein, son pouls est presque inexistant. Le temps presse...

Nikolaï baissa le regard ne pouvant plus quitter le visage de son camarade agonisant. Tout était de sa faute...

[Zoorin]

La femme à la robe colorée prend Tête-de-Plumes des bras de Nikolaï et l'emmène prestement sur l'île, courant presque sur un chemin de terre. Les deux autres la suivent. Tout en marchant, le femme au tailleur demande au garou d'une voix glaciale :

Corneille Grise nous a prévenu il y a plus d'une heure, par l'intermédiaire de Chêne, le totem du caern. Pourquoi avez-vous tant tardé pour l'amener ?

[Blackwolf]

Nikolaï replongea dans ses souvenirs un instant. Tout était flou, il n'avait pas l'impression d'avoir mis autant de temps à venir, à vrais dire il n'avait plus de véritable notion du temps depuis qu'il avait eu sa crise...

Je ne sais pas... En fait je n'ai plus de véritable notion du temps. Il ne ma pas semblé que notre voyage jusqu'ici avait duré aussi longtemps. Mais j'étais épuisé et j'ai préféré éviter de courir au risque de trop me faire remarquer. Il aurait été mauvais pour Tête-de-plumes que des policiers s'interposent entre moi et vous. D'ailleurs cela aurait été mauvais pour les policiers aussi.

Nik lança un regard en direction de la femme aux habits colorés.

C'est de ma faute s'il est dans cet état et je tiens en sa vie plus qu'en la mienne. Je suis désolé si j'ai tardé mais je croyais avoir fais au mieux...

[Zoorin]

Le femme au tailleur siffle entre ses dents et serre la mâchoire, puis lance à celle qui porte l'Ancien :

File à la clairière de Chêne, Olwen, je vais te chercher de quoi le soigner.

Dans un petit cri presque paniqué, Olwen répond :

Oui, Romane. Du linge, de l'eau et des bandes.

Immédiatement, Romane s'enfonce dans les fourrées et quitte le petit groupe, laissant derrière elle ses chaussures à talon pour se mettre à courir, déchirant sa jupe.

Quelques secondes après, ils arrivent dans la clairière de Chêne. Là, un petit homme au crâne rasé, portant cuir et bracelets cloutés se retourne, surpris par la course. Son visage arbore une profonde cicatrice et celle-ci lui donne un visage inquiétant lorsqu'il se rend compte que Tête-de-Plumes est sanguinolent. Arrivée au milieu de la clairière, sous Chêne-de-Vincennes, Olwen dépose l'Ancien au sol et ouvre largement la couverture. Sans s'occuper de ce qui se passe autour d'elle, elle transforme ses bras pour avoir des griffes et déchire les vêtement du vieil homme et pose son oreille sur sa poitrine.

S'approchant et parlant bas pour ne pas déranger la philodox, il demande à Nikolaï :

C'est vous qui avez prévenu le caern ? Que c'est il passé ?

[Blackwolf]

Nik hocha la tête en signe de négation. Sans vouloir être impolie pour autant il ne pouvait pas lâcher Tête-de-plumes du regard. Il répondit de sa voix rauque habituelle, cependant un peu éraillée par la fatigue grandissante et sa détresse pour son ami.

Non, c'est Corneille grise qui prévînt le caern de mon arrivée avec Tête-de-plumes. Nous étions chez moi en train de combattre contre des esprits mauvais quand, tentant de me ressaisir pour mieux aider Tête-de-plumes et Corneille grise, j'ai perdu le contrôle de moi-même... Les souvenirs néfastes de l'environnement corrompu que j'ai fréquenté si longtemps m'ont enragé. Je n'ai pas été assez fort pour contenir la tristesse à l'égard des miens et la haine à l'égard de nos ennemis... Je suis totalement responsable de ce qui arrive à votre bien aimé frère.

Nikolaï avait une forte envie de pleurer mais plus aucune larme ne se trouvait dans son corps. Plus qu'une seule chose comptait en fait, Tête-de-plumes.

[Zoorin]

Le jeune homme devient sombre :

Tu viens d'arriver et tu tues un ancien dans un accès de frénésie ? T'es un nerveux, toi, dis moi ? C'était quoi votre lutte ? C'était où ?

[Blackwolf]

Nikolaï tourne son visage vers son jeune interlocuteur et lui lance un regard noir sortit d'outre tombe. Il lui parle ensuite d'une voix plus grave que rauque dont les accents grondent tel un orage lointain.

Il n'est pas question ici de votre communauté restreinte dont je ne pourrais jamais faire partie intégrante. Il est question de notre sang. Mon frère garou et moi combattions ensemble et j'ai été frappé par la chose la plus immonde qui puisse arrivée à n'importe lequel d'entre nous. Tu ne semble pas comprendre qu'on ne choisis pas de tomber en frénésie, encore moins dans ma lignée. Fruit du hasard ou de destin, peu importe tes croyances. La frénésie reste un monstre de rage et de haine, assoiffé de sang qui manipule sans aucune conscience du bien ou du mal l'un des nôtres. Le plus honorable pour un garou est de l'accepter et non de le renier. Car de toute façon, cela peut arriver à n'importe lequel d'entre nous. La frénésie est soeur des ancêtres de notre espèce.

Une fois ses derniers mots prononcés Nikolaï se retourne vers Tête-de-plumes et observe attentivement la scène. Espérant pouvoir entendre d'ici peu les remontrances du vénérable mutilé.

[Zoorin]

Le jeune homme est surpris et sonné par la réplique de Nikolaï, puis il fait un long sourire ironique et murmure, à moitié pour lui-même et à moitié pour le croc :

Ouais, enfin moi, j'me contrôle, quand même.

Puis, il s'éloigne un peu et s'adosse au vaste Chêne qui surplombe une partie de la clairière.

Dans un bruit de course, Romane revient, les vêtements déchirés et trois gros sacs dans les bras. Rapidement, les deux femmes découpent les vêtements de l'ancien, pansent et compriment les plaies. Olwen surveille régulièrement son pouls et son souffle, et sa figure montre une inquiétude croissante :

Il a perdu trop de sang, sa tension baisse et son coeur commence à s'affoler. J'invoque frère Ours.

Se plaçant à genoux derrière la tête de l'ancien, elle invoque Ours pour utiliser un don de guérison particulier. En même temps, le jeune homme qui se tient derrière elle caresse le tronc du Chêne et lui murmure des choses. Pendant ce temps, Romane, le visage défait, finit de déchirer ses vêtements qui la serrent pour rapidement et à genoux également invoquer Chêne-de-Vincennes au secours de l'ancien.

Le vent nocturne se modifie, il devient parfumé des odeurs d'humus et de sous-bois. L'ombre de Chêne s'allonge et s'intensifie considérablement, enrobant Tête-de-Plumes de ténèbres. Une odeur sucrée et laiteuse se répand, et se dissipe presque aussitôt, comme un songe éveillé olfactif qui utiliserait les souvenirs des gens pour aller et venir.

Olwen s'arrête et s'abaisse, embrassant le vieil homme sur le front. Puis elle écoute à nouveau son pouls et dit :

Son coeur est plus calme, et plus régulier, mais vraiment faible. * d'une voix tremblante par l'émotion, elle lance * Yvan-tornade-de-paix, tu vas chercher la civière, elle est dans la remise, emballée dans un sac.

Le jeune homme se redresse comme un I et lance :

Je sais où elle est, je fonce.

Immédiatement, il commence à courir en se transformant en glabro et disparaît dans les bois.

Le silence retombe, seulement troublé au loin par la circulation automobile. Le temps se passe, long et pesant. Les deux femmes fixent le vieillard, évitant de jeter un coup d'oeil vers Nikolaï, espérant peut être un signe encourageant de sa part. Celui-ci reste immobile, sa petite et courte respiration devenant sifflante.

Puis Yvan-tornade-de-paix revient et dépose la civière près de l'Ancien. Sans tenir compte du garou, les trois portent l'ancien et quitte la clairière sans lui adresser un regard. Nikolaï, comprenant qu'il est exclu de la suite des évènements, reste seul face à l'immense chêne totem du caern.

[Blackwolf]

Il s'approche doucement du chêne jusqu'à tendre le bras et le toucher avec délicatesse. Il murmure à voix basse de façon à ce que seul l'immense totem l'entende.

Bonsoir mon aîné. Crois-tu que notre mère accordera une nouvelle fois la vie à notre frère ? Seul l'avenir nous le dira. J'espère ne pas te déranger dans ma méditation, j'aurais besoin de sentir la paix qui circule en toi. Apprend moi la patience mon aîné, mon âme à grand besoin de dissiper le chaos.

Sur ces dernières paroles Nikolaï s'assit en tailleur, la main gauche sur son genou, la main droite posée délicatement sur l'une des racines du chêne qui dépassait légèrement du sol. Il ferma les yeux et se mit à avoir une respiration régulière. Inspirant doucement par le nez pour expirer paisiblement par la bouche. A partir de cet instant, Nikolaï ne bougea plus, comme arpentant les chemins d'un autre monde que seul lui pouvait voir.

[Zoorin]

Suite dans les ombres. Rends-toi ici