Rencontre avec la Corneille Grise

[Zoorin]

Le lendemain, épuisé par une nuit pas du tout réparatrice, Nikolaï redescend tôt pour prendre un petit déjeuner léger. Il n'y a pas encore grand monde dans la petit salle à manger commune, seuls deux garous, forts dissemblables l'accueillent.

Une jeune femme sans charme, vêtue d'une robe fine de lin blanc et ses cheveux presque blancs en tresse. Elle verse une tasse de thé à un vieillard étrange. Ridé et torse nu; ses longs cheveux blancs clairsemés sont tenus par un bandeau sur lequel sont accrochés quelques plumes plus très vaillantes. Il porte en permanence un sourire las et ses mouvements sont toujours lents et mesurés.

Lorsque Nikolaï descend, la jeune femme se retourne, une ombre de panique flottant un court instant sur son visage. Le vieillard, lui, hume son thé sans faire attention au nouvel arrivant, ni au mouvement brusque de sa compagne. Puis, il dit d'une voix éraillée sans jamais quitter son bol des yeux :

Bon matin, jeune Croc d'argent. Nous t'attendions. * tend une main tremblotante vers la fille * Voici Abeille folle, Gardienne des Terres de Vincennes. Je suis Tête-de-Plumes, ancien trop ancien de ce caern. Nous faisons partie de la meute de Corneille Grise.

[Blackwolf]

Nik avait incroyablement chaud ce matin. Il avait d'ailleurs décidé d'enlever sa veste et son treillis noir pour se promener en T-shirt, ses manches retroussées sur ses épaules, afin de laisser ses bras entièrement à l'air libre. Il avait noué son treillis autour de ses hanches et sa veste pendait au bout de son bras maigre mais finement musclé. Malgré sa tenue vestimentaire qui laissait à désirer, Nikolaï ne perdait rien de la classe militaire qui le distinguait. A peine avait il aperçu les deux garous qu'il s'était redressé, droit comme une hallebarde, et qu'il les avaient salué solennellement.

Enchanté de vous rencontrer. Je suis absolument désolé de mon intrusion matinale et de ma tenue vestimentaire. Je ne m'attendais à croiser personne. Il est vrais que je perd un peu la notion du temps ici. Je vous prierais donc de m'excuser.

Nik se redressa et fronça les sourcils.

Vous dite m'attendre. Je suis désolé, il ne me semble pas avoir été prévenu de cela. J'ai peut être manqué à mon devoir. Si c'est le cas j'en suis navré.

Après une étude plus approfondie on pouvait observer de tristes cernes sur le visage déjà creusé du jeune garou. Ses cheveux, bien que remarquablement propres, étaient trempés de sueur, et ses jambes, bien que musclées, semblaient faillir sous le poids de leur maître. Le jeune russe était l'image même de la fatigue et de l'épuisement, il avait semble t-il passé plus d'une nuit sans repos.

[Zoorin]

Abeille-folle regarde Nikolaï, l'air franchement surprise. Elle regarde l'ancien, attendant manifestement qu'il réagisse. Celui-ci pose délicatement son bol de thé et se tourne vers Adam, un sourire sur les lèvres :

Ta tenue ? Ton intrusion ? Ton retard ? Ne t'inquiètes donc pas. Détends toi. Nous sommes entre gens calmes et détendus ici. * montre une chaise * Assis toi.

Une fois que le Croc d'Argent se soit exécuté, il poursuit d'un ton las :

Tu n'as pas dû souvent causer avec des garous comme nous, les rongeurs d'os. Nous ne sommes jamais habillé aussi bien que tu ne l'es actuellement. Notre notion du temps n'est pas la même, et nous ne sommes jamais en retard, puisque nous n'avons pas de montres. Il paraît que tu vas avoir besoin de notre meute, alors il va falloir que tu t'habitues un peu à notre mode de vie.

Dans son regard, durant son laïus, Tête-de-Plumes montre une grande certitude et une sorte de fierté de son appartenance à sa tribu, et a son fonctionnement en marge des normes sociales. Pour lui, clairement, les rongeurs d'os sont à part, et sont très bien comme ça.

[Blackwolf]

Le jeune garou s'installe volontiers dans la chaise qui lui est proposé et pose négligemment sa veste sur la table laissant reposer son bras sur celle-ci afin de maintenir plus aisément son poids et son attitude droite.

Je me nomme Nikolaï mais je suppose que vous savez déjà tout de ma personne. Parlez précisément, qu'attendez vous de moi ? Où plutôt que devrais-je attendre de vous ? Comme vous le savez sans doute cela fait longtemps que je n'ai eu de contact avec des garous, et dans ma triste vie je n'ai pas eu l'occasion d'en apprendre beaucoup sur les miens.

Nik est toujours aussi droit, il s'adresse plus particulièrement au vieux loup mais prend cependant en compte Abeille-folle, ayant pour habitude de ne jamais exclure qui que ce soit de son attention. Sa voix maîtrisée reflète cependant une légère fatigue presque imperceptible. Il ne regarde personne en particulier englobant ses deux interlocuteurs, les surveillants d'un oeil curieux et surtout fatigué.

[Zoorin]

Tête-de-Plumes hoche la tête et boit un coup avant de répondre :

Alors non, je ne sais pas tout de toi, et je vais devoir te poser des questions, mais je sais l'essentiel. Tu es un garou isolé qui a besoin d'aide pour protéger tes amis. Nous pouvons les recueillir, et t'aider à combattre tes ennemis.

Il grignote un morceau, indiquant du geste à Nikolaï de se servir, puis poursuit :

Alors, tu es avec une fille et une femme, et elles sont menacées par des personnes avec qui tu as été forcé de travailler. Racontes moi un peu cela, et surtout quels sont tes ennemis, ce que tu sais sur eux.

[Blackwolf]

Nik lance un regard sans intérêt aux quelques victuailles disposées sur la table et en revient rapidement à son interlocuteur. Son oeil se fait morne.

Oui j'ai besoin de votre aide, avant toute chose pour protéger ma famille. Pour ce qui est de mes ennemis, je n'ai que ceux de ma nation. Fidèle à mes ancêtres je me battrais toujours aux côtés des miens, j'ai seulement quelques problèmes à régler à avant cela. J'aimerais retrouver ma soeur. Je suis persuadé qu'elle est en vie, peut être tout près d'ici, mais je ne sais comment la chercher. C'est pour cette laborieuse quête que j'ai besoin de vous et de vos relations. M'aiderez vous à retrouver les derniers fragments de ma famille maître loup, en espérant que cela soit possible ?

Sur ces derniers mots le fier garou détourne les yeux, toujours sans pleures, son regard triste, perdu dans les abysses profondes d'un chagrin immense, observe fixement le sol de la pièce et les ombres qui y dansent.

[Zoorin]

Tête-de-plumes fait un large sourire ridé :

Bien entendu. Nous allons nous y employer. Qu'est ce que tu as comme informations sur elle pour nous donner des pistes ?

[Blackwolf]

Nik effectue une moue attristée, il semble déprimé de ce qu'il s'apprête à dire.

En vérité la dernière fois que je l'ai vue j'étais jeune, et elle aussi. Tout ce que je peux vous dire c'est qu'elle était grande avec de longs cheveux châtains foncés, et que son pelage sous sa forme lupus était étonnement gris, avec une petite tâche brune sur le sommet du crâne. Le seul élément précis qu'elle gardait lors de ses transformations était ses yeux verts aux reflets dorés. Je me souviendrais toujours de ce regard qui me guettait chaque matin lorsque je m'élançais dans la toundra.

Le jeune garou pousse un long soupir, les yeux toujours fixés sur le sol de la cuisine.

C'est difficile de perdre sa famille, de perdre cette aura de protection et d'amour qui vous berce lors de vos premiers pas dans la vie.

Nikolaï tout en parlant ce saisi d'un couteau dans sa poche de jeans et se met à jouer négligemment avec.

Désolé du peu d'informations que je vous apporte vénérable garou.

[Zoorin]

Abeille folle fait une moue de dépit, tandis que tête-de-plumes repose lentement un verre. La gardienne des terres demande à l'ancien :

Il va falloir faire une quête spirituelle, non ?

Tête-de-plumes hoche la tête et confirme :

Il va falloir, en effet. Et le problème c'est que ces quêtes sont très dangereuses dans et autour de Paris. * soupire * Je ne te cacherais pas qu'elles échouent, le plus souvent. Trop peu d'esprits sont nos alliés par ici. Et trop d'esprits sont nos ennemis déterminés. * fixe un moment le jeune garou * Surtout que tu portes une marque néfaste en toi, et qu'avant toute chose, il te faudra t'en libérer. Danse-avec-la-mort t'a fixé un moment pour la cérémonie de purification ?

[Blackwolf]

Le jeune russe joue un instant avec son couteau puis se perce légèrement le doigt de façon attentionnée. Il range l'arme blanche et observe attentivement la goutte de sang qui commence à perler sur le bout de son majeur.

Je puis prendre des risques mais je ne souhait pas vous en faire courir. S'il y a le moindre danger nous trouverons sans doute un autre moyen, où peut être qu'avec votre aide je pourrais y parvenir, seul.

Nik lance un regard en coin aux deux garous, ses yeux noirs les défis légèrement du regard, il n'attend pas à se qu'on émette une critique sur sa témérité. Il fixe son regard de façon à pouvoir observer attentivement les deux garous puis reprends la parole.

Mais avant de prendre moi-même des risques je préférerais que ma famille adoptive soit en sécurité par mis vous. C'est le plus important dans l'immédiat.

Son regard se fait soudain moins froid et il détourne finalement les yeux pour observer la petite goutte sanglante qui commence délicatement à descendre le long du doigt de Nikolaï. Ce dernier approche subitement sa main de son visage et ape la goutte d'un rapide coups de langue. Il se redresse et tourne une nouvelle fois son regard vers ses interlocuteurs, plus serein.

Le maître garou m'a affirmé que cela serait fait aujourd'hui même ou demain au plus tard.

Nik se lève de sa chaise et s'avance jusqu'au frigo pour y prendre une bouteille d'eau qu'il ouvre rapidement et vide avidement, comme soudain assoiffé. Il abaisse la bouteille et la rebouche. S'essuyant tout d'abord les lèvres avec son bras il emporte ensuite la bouteille avec lui jusqu'à sa place et se rassoit tout en lançant un sourire d'excuse à ses interlocuteurs.

Il m'arrive de détester le goût du sang.

[Zoorin]

Abeille folle fait une moue en regardant du coin de l'oeil Nikolaï jouer avec son sang. Tête-de-plumes n'y fait pas attention. Il répond :

Concernant ta famille, nous allons nous en occuper tout de suite. Une partie de ma meute est libre, et il y a de la place là-haut. * montre l'étage de la maison * Vous habitez où ?

[Blackwolf]

Nik lance machinalement un coup d'oeil au plafond et en revient à Tête-de-plumes en souriant.

Dans le dix-neuvième, à peu près entre la rue du Maroc et les Buttes de Chaumont. Mal fréquenté mais, si je puis dire, paisible.

Il effectue une moue amusée, cette expression ayant depuis toujours fait rire ce bon vieux clochard.

[Zoorin]

Tête-de-plumes hoche la tête.

Bon, je réunis ma meute et on y va. * Regarde l'horloge * Déjà 10 heures ? Bien, Abeille folle, tu ne peux pas venir avec nous aujourd'hui, c'est bien ça ?

La jeune femme acquiesce :

Je retarde depuis trop longtemps la purification des esprits des alentours de l'écurie nord. Il faut que je le fasse, sinon, on va encore dire que je néglige mes tâches.

Elle prend un air peinée, un peu martyr, espérant visiblement obtenir de la compassion de la part des deux autres. Tête-de-plumes a manifestement l'habitude et se contente de hausser les épaules en se levant lentement :

Fais ton travail du mieux que tu peux, et laisse les autres braire tout leur saoul. Seul ce que Corneille grise pense de toi est important. * A Nikolaï * suis moi, nous allons réunir ma meute. Cela va probablement prendre un certain temps.

Il se dirige vers la porte, courbé et trottinant.

[Blackwolf]

Nikolaï se redresse, plus par habitude qu'autre chose, et suis la conversation d'un oeil morne. Il reste froid et neutre pendant la totalité de l'échange et se contente d'acquiescer légèrement à la remarque du garou à l'intention d'Abeillle-folle. Il se lève ensuite, un peu avant Tête-de-plumes, et s'empare de sa veste et de la bouteille d'eau. Il enfile sa veste en attendant que le vieux garou ait terminé de se lever et l'accompagne docilement jusqu'à la porte d'un pas lent mais espacé. Il vide rapidement la bouteille d'eau et l'écrase adroitement de ses deux mains afin qu'elle ne forme qu'un petit cercle de plastique et la glisse dans une poche intérieure de sa veste. Le garou semble avoir récupéré toute sa vivacité et son énergie, une simple petite hésitation à chaque pas révélant la réelle fatigue qui pèse sur tous ses muscles.

[Zoorin]

Les deux garous quittent le caern et prennent le métro pour rejoindre le centre-ville de la capitale. Durant le trajet, Tête-de-plumes explique que leur meute a pour but de détecter et d'analyser les menaces du Ver les plus importantes de Paris et de sa région. Ce sont des fouineurs, des espions. Ils essaient d'aller partout où les autres ne vont pas, pour voir si et comment une attaque pourrait se faire. Ils sont cinq, la majorité plus trop expérimentés. Il y a trois rongeurs d'os, une uktena et un marcheur sur verre.

Une fois au centre, les deux garous passent une bonne partie de la journée à retrouver les trois membres actuellement en faction. A plusieurs reprises, Tête-de-plumes laisse Nikolaï derrière lui pour plonger dans l'umbra, expliquant qu'il n'est pas assez expérimenté pour aller là où il va. Ces plongées sont souvent longues, et le jeune croc d'argent en profite pour faire des siestes sur des bancs.

Au final, le deux garous perdent presque trois heures et personne ne peut laisser tomber ce qu'il fait pour les accompagner. Tête-de-plumes semble ennuyé. En effet, comme la famille de Nikolaï est surveillée, il voulait y aller en nombre pour éviter les problèmes. De guerre lasse, ils se rendent donc seuls dans la Goutte d'or.

Le quartier est toujours aussi vivant. En ce bel après-midi, tout le monde est dans la rue. Les enfants jouent au foot dans des endroits impossibles. Plein de vendeurs à la sauvette proposent sac de grande marque, montres et téléphones portables dernier cri pour des prix défiant toute concurrence. Tête-de-plumes semble connaître un peu l'endroit, et n'est surpris ni par l'absence apparemment totale de respect des lois, ni par le cosmopolitisme. A certains endroits, sur toute une rue, on parle swahili, Wolof, tunisien, arabe, vietnamien, chinois, mais pas français.

Nikolaï guide rapidement l'ancien jusqu'à chez lui, dans une petite rue perpendiculaire à la rue du Maroc, également appelée la "rue des montres". Sa petite rue discrète et sombre ne contient que les voisins habituels. Nikolaï ne remarque rien d'anormal, sauf que l'ancien semble un peu tendu.