Avant de remonter dans le van je récupère mon gilet de cuir et le renfile prestement avant de grimper à l'arrière du véhicule. Je remarque alors une protubérance dans une des poches extérieures qui m'avait échappée jusqu'à présent... un paquet de cigarettes.
Souriant en coin en pensant que malgré toute sa maudite humeur Mil doit avoir un esprit protecteur qui veille sur elle, je le lui lance avant de regarder par la fenêtre arrière.
Le paysage défile, une fois de plus, comme s'il nous poussait vers notre destin, pressé de nous mener à notre fin, et je sens mes entrailles se nouer à nouveau. L'action avait fait taire ces angoisses quant à ce que je suis devenu, mais ces quelques minutes où nous sommes tous plongés dans un silence pesant, quelles que soient les raisons de chacun pour se replier sur lui-même, laissent la porte ouverte aux monstres de la psyché qui se sont massés en une nuée avide et féroce au seuil de la conscience.
Seule ma conviction que nos actes sont justes et nécessaires, au nom de la vie et de l'honneur, parvient encore à endiguer ces armées d'ombres qui sont à chaque acte commis un peu plus nombreuses, un peu plus épaisses. Lorsque toute tension aura disparu, pourrais-je encore me retourner et regarder le Ian que j'ai été en face sans éclater en milliers de remords comme une vitre frappée par une brique ?
Je sais que ce n'est pas le moment de penser à tout ça, mais c'est plus fort que moi. Sans parler à personne, pas même à moi, peut-être juste à la nuit, je grogne :
- Plus vite putain, plus vite...
Jamais je n'ai fait jouer mes doigts avec autant de vitesse ni de force insane, sans même me rendre compte que mes jointures craquent et blanchissent à se déboîter.